Julian Cavaillé, alias Cavart sur Instagram, a une drôle d’obsession : les souliers, et tout ce qui s’y rapporte. A commencer par les crampons de foot, dont il sculpte des répliques géantes avant qu’elles se retrouvent dans les salons de Lamine Yamal, Kylian Mbappé, Djibril Cissé, et même Zizou en personne. Entretien avec un fétichiste.

Propos recueillis par Baptiste Brénot / Photos: Cavart

Tu viens de réaliser un crampon F50 géant à Lamine Yamal. Ses chevilles n’étaient pas trop enflées, il rentre dedans ?

Non franchement, le mec a zéro pression, il est en détente complet. Sur le terrain, il a peut-être un rôle, l’envie de montrer qu’il est bon… Mais, vraiment, quand tu le vois en off, il s’en fout. Je suis allé dans son appartement à Barcelone, c’était vraiment pépite. On est resté un petit moment ensemble, il était en train de se faire coiffer, c’était deux jours avant le Clasico, et après il devait filer, mais c’était un moment exceptionnel.

Ça te prend combien de temps, de faire un crampon comme ça ?

Pour Lamine, c’était un peu dans l’urgence, ça m’a pris une cinquantaine d’heures, sur quatre jours. Au début, tu pars d’une petite patate sur une tablette graphique, puis tu lui donne la forme du crampon. De là tu vas tout détailler, il faut simuler tous les designs du cuir frappé, des coutures. J’utilise une machine 3D, elle me sort des blocs que je vais assembler, préparer, cacher les lignes, refaire des coutures… Puis il y a tout le travail de sculpture avec de l’époxy, des résines qui durcissent. Et derrière, j’enduis la résine, je ponce, je peins… Je pose d’abord la couleur blanche, puis les couleurs secondaires. Par exemple, pour Lamine Yamal, j’ai mis 7 couleurs différentes. C’est très long, très précis, puis sur son crampon, sur sa signature LY 10, j’ai intégré des rubis et des saphirs, de la feuille d’or… C’était un très gros travail d’ajouter ces pierres précieuses.

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Comment tu t’es retrouvé dans le monde de l’art ?

Totalement par hasard. A la base, j’étais préparateur physique dans mes propres salles de crossfit. Avec le Covid, j’ai dû fermer une salle, et je me suis dit que j’allais entreprendre autre chose. J’étais fan de manga, je collectionnais des objets Naruto, Dragon Ball, puis je me suis dit que j’allais en faire moi-même. J’ai créé une société 3D avec mon associé, JV3D, en deux ans je me suis mis à travailler avec des grosses entreprises comme Pokémon, je leur ai par exemple sur des Mewtwo de deux mètres, Star Wars, et dernièrement pour Fort Boyard… Au bout de deux ans j’ai voulu faire mes propres œuvres, et vu que je suis un gros fan de sneakers, et que lorsque je jouais au foot, j’avais six paires de crampons pour jouer à un niveau Régional (rires), je me suis dit que je voulais faire ça. J’ai fait une Jordan One Off White, celle designée par Virgil Abloh, et je l’ai partagé sur les réseaux. De là, dès la première vidéo, bam, ça fait des millions de vue, presque 4 millions sur Tik Tok. J’enchaîne avec d’autres vidéos, qui tournent bien. J’ai reçu des commandes, et j’ai persévéré. Maintenant, j’aimerais être reconnu comme l’artiste du soulier, qu’on se dise que tout ce qui tourne autour du pied, de la chaussure, c’est moi, et d’y mettre de l’émotion. La, par exemple, je suis en train de faire un crampon de Maradona, parce qu’on avait récupéré un véritable crampon dédicacé porté par lui-même lors d’une vente aux enchères.

J’aimerais être reconnu comme l’artiste du soulier, que tout ce qui tourne autour du pied, de la chaussure, c’est moi

Cavart

Elle s’est faite comment, la connexion avec le monde du foot ?

Je commençais à exploser sur les réseaux. Un jour, je montre ma collection de maillot à un ami, dont celui de Djibril Cissé à Auxerre, le Kappa sponsorisé Playstation. Il me dit qu’il connaît Djibril, qu’il va lui montrer ce que je fais. Plus tard, Djibril m’appelle depuis une expo à Paris, et de la est née la première collaboration : je lui ai fait sa F50. Pour son jubilé, je lui en ai fait un autre, que Guy Roux lui a apporté sur la pelouse de l’Abbé-Deschamp, en direct sur l’Equipe 21… Après notre rencontre, il m’a gentiment proposé de m’accompagner dans mon travail, et il a montré ce que je faisais à Zidane… Du coup je lui ai fait son crampon de la finale de 2006 en feuille d’or, qu’il est venu dédicacer. C’est le Graal, Zidane, c’est exceptionnel ! Ce qu’il dégage, sa prestance… Puis, grâce à la fondation pour le Burundi de Thilo Kehrer, pour Kylian Mbappé (sur une paire de Mercurial dédicacées vendues aux enchères pour 40 000 euros, NDLR).

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C’est exceptionnel, surtout pour un fan de foot. J’entraîne aussi l’équipe de mon fils en U6, l’USV 34 à Villeneuve-lès-Maguelone, où joue le fils d’un ami a une fondation dans le rugby, il m’a permis de faire une collaboration avec Antoine Dupont. J’ai aussi pu faire le trophée de finale de la compétition de streetball sponsorisé par Michael Jordan, Quai 54. J’ai pu faire les Copa Mundial de Platini en plein Stade Vélodrome, qu’il est ensuite venu dédicacer… Vendredi dernier, j’ai joué lors de Cannes-Légende, j’ai aussi rencontré Didier Deschamps. C’est dingue. C’est incroyable. C’est comme s’il m’avait sélectionné pour jouer avec lui en équipe de France (rires). Il y avait aussi Aimé Jacquet. C’était beau de les voir là, côte à côte, c’était épique. Ils sont joviaux, tu les verrais, Aimé Jacquet, a l’âge qu’il a, comme il était fun !

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Alors, ta prestation ?

Je sors d’une entorse, et j’avais le pied bien bandé, je n’avais rien dit parce que je voulais absolument jouer. Bon, voilà la prestation que j’ai faite, j’ai joué 10 minutes… Heureusement que je n’ai pas joué plus longtemps… (Rires) Mais par contre, c’était vraiment exceptionnel d’entendre Aimé Jacquet dire à Pirès “muscle ton jeu, Robert !” Tu profites de moments dans les vestiaires. C’est énorme, tu les vois rigoler. C’est vraiment sympa, quoi. Tu n’es plus juste un spectateur, et c’est un honneur.

Niveau crampon ou maillots, du coup, lesquels sont tes favoris ?

J’ai beaucoup joué avec les Total 90, ou en Predators. Sinon, j’avais le maillot de Totti à la Roma, le Diadora rouge et jaune-orangé avec l’écusson au milieu. Ludovic Giuly à Monaco aussi, sponsorisé Fedcom, un Barthez en équipe de France. Un maillot de West Ham, pas mal de Liverpool également, vu que je suis fan de Steven Gerrard. Et un de Diego Forlan à l’Atlético de Madrid.

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Avant ça, tu as aussi été un sportif.

J’ai beaucoup joué au handball à l’USAM Nîmes, où je suis né. Je jouais pivot, même si je ne suis pas spécialement grand, j’étais assez vif, je me retournais vite. J’ai fait quelques regroupements avec l’équipe de France jeune avec la génération 95, puis à 17 ans je me suis mis au foot, et j’ai arrêté le hand à cause d’une blessure à l’épaule. Mais là, je n’ai jamais dépassé le niveau régional, j’étais un attaquant qui sentait bien le jeu, je faisais de bons appels, mais j’étais très limité techniquement. Puis j’ai arrêté à 20 ans, quand je suis parti vivre un an en Australie. Et la dernière fois que j’ai joué, c’était une catastrophe (rires). Quand tu te retrouves à jouer devant un public, pour un amateur comme moi, que tu es au milieu de presque 10 000 personnes comme à Cannes, ça tétanise. Au hand, je jouais devant mon coach et mes parents rien d’autre ! La je me suis retrouvé en Pologne pour un match organisé en l’honneur de Zbigniew Boniek, devant 20 000 personnes, où il a là aussi signé un crampon que j’avais réalisé… Quand tu joues devant un tel public, il ne faut surtout pas penser aux gens qui te regardent, à la sensation d’être observé, à ce que les autres pourraient penser de toi, sinon tu fais que des passes en retrait et tu ne tentes rien… Il faut se dire que ce n’est pas grave de rater, qu’il faut tenter et recommencer. Ce mardi, j’ai un match avec les anciens du Montpellier Hérault, il y aura Hilton, Bédimo, Joris Marveaux… Je vais arrêter de penser pour juste jouer, et me régaler. Il faut profiter, en Pologne je me suis retrouvé dans l’ascenseur avec Alain Giresse, au restaurant avec Marcel Desailly, sur le terrain avec Christian Karembeu, Souleymane Diawara, Guillaume Hoarau, Taye Taiwo, Loïc Rémy, Florent Malouda…

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Après avoir fait tout ça,  quels sont tes projets, désormais ?

J’ai une collaboration avec Eva Longoria pour le Global Gift Gala ce samedi 8 novembre. Puis je vais réaliser une sculpture géante de 2 mètres cinquante pour la ville de Montpellier, où seront représentés les monuments et les symboles de la ville. Je vais aussi faire une exposition de mes œuvres en collaboration avec un ami. Puis je vais me mettre sur un jeu vidéo avec un casque VR, ce sera une galerie d’art virtuelle, où tu pourras venir te balader, jouer au basket sur les terrains du Quai 54, prendre les œuvres dans tes mains, peindre tes propres sneakers… J’y organiserai un jeu concours où le gagnant pourra venir dans nos ateliers réaliser son œuvre pour de vrai. Je mettrai So Foot dedans, tiens !

Cavart, l’artiste qui sculpte des crampons géants

  

Cavart, l’artiste qui sculpte des crampons géants
Cavart, l’artiste qui sculpte des crampons géants

Propos recueillis par Baptiste Brénot / Photos: Cavart

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