EDGAR DAVIDS Edgar Davids est-il le joueur le plus stylé de l’Histoire du Foot ?

Personne n’a oublié tout le mordant aérodynamique du Hollandais Fonçant, aux dreadlocks au vent et aux lunettes futuristes lancé à Mach 4. Un cas unique de footballeur binoclard devenu super héros très classieux.

All eyez on me. En 1996, le hit de Tupac colle parfaitement à Edgar Davids, 23 ans, box to box aux crocs acérés surnommé « pitbull » par Louis van Gaal. Fils d’un rude docker surinamais de Rotterdam, sa dégaine gangsta rap à l’œil de fauve et courts dreadlocks focalise en effet tous les regards sur lui et sur le jeune possee de l’Ajax qui a remporté la C1 en 1995 et fonce vers une autre finale en 1996. Problème : les yeux, justement…

Homme à lunettes…

En 1995 il a subi un grave choc à la tête qui lui a semble-t-il causé un problème de vue, diagnostiqué sous la forme de glaucome. Le glaucome est une maladie due à la pression oculaire qui dégrade le nerf optique, entraînant une perte de vision. Or, ce nerf est fondamental pour les footballeurs puisqu‘il envoie les informations visuelles au cerveau. À l’été 1999, alors qu’il joue à la Juventus, Edgar doit faire une pause afin de subir une opération très délicate aux yeux qui pourrait stopper sa carrière en cas d’insuccès. Heureusement, comme le glaucome a été diagnostiqué suffisamment tôt, l’intervention chirurgicale est réussie. La vue est stabilisée mais reste fragile. Quand le Pitbull veut alors mordre à nouveau dans le ballon, les médecins acquiescent mais à condition qu’il porte des lunettes qui soient à la fois correctrices mais surtout protectrices de ses yeux. Or, la FIFA interdit les lunettes en match dont les montures métalliques ou en fibre de carbone aux angles saillants ainsi que les verres coupants peuvent blesser à la fois le joueur qui les porte ou bien son adversaire. Et comme les lentilles de contact ne peuvent protéger Davids des chocs et des frottements dangereux…

Et pourtant ! Le 4 septembre 1999, l’international Oranje foule à nouveau les pelouses lors d’un Pays-Bas–Belgique, affublé de curieuses lunettes. Et la FIFA avait donné son feu vert car à Rotterdam, Edgar arborait  ces lunettes en hublots larges déjà entrevues chez les basketteurs de NBA (Kareem Abdul-Jabbar, Hakeem Olajuwon), à la monture noire enveloppante et aux verres teintés (« oranjé », évidemment !) Spécialement conçue pour lui, les « verres » de cette paire d’une vingtaine de grammes, est faite en polycarbonate, une matière plastique souple semblable à celles des lunettes de plongée des nageurs de compétition. Et donc, sans verres coupants, proscrits par la FIFA ! Edgar Davids a été encore très chanceux : depuis le milieu des années 90, les grandes marques Nike et Oakley avaient innové en manufacturant des lunettes spéciales pour sportifs (natation, surf, cyclisme, basket-ball, athlétisme).

Équipé par Nike, son sponsor chaussures, Davids sera surtout longuement « brandé » par Oakley dont le modèle « Jacket » (Racing Jacket, Water Jacket) appelé à devenir prestigieux avait été commercialisé depuis 1994. Les lunettes Oakley Racing Jacket solides mais souples portées par Edgar dès 1999 ont été conçues pour bien épouser le visage. Les verres-lentilles larges (offrant protection et couverture) et branches en lanières extensibles sont quasiment fondus « d’une seule pièce ». Des petites aérations évitent que la buée n’altère la vision. La Rolls des sportifs myopes, quoi !

Footballeur Marvel

Edgar « Pitbull » Davids ressort métamorphosé de cette épreuve de santé qui a transformé son handicap en lifestyle inouï. Car, outre ses dreadlocks qui ont bien poussé depuis l’Ajax en longues flammèches léonines, son légendaire numéro 26 au dos de la tunique bianconera, ses allers-retours incessants de box to box hargneux, ses lunettes de vengeur masqué lui donnent une touch of class indéfinissable. Impossible de rater le métis radioactif sur le terrain et ses « carreaux » au design aérodynamique qui mixent les univers rap, NBA et Marvel à la fois ! Et toujours ce killer instinct qui perce dans ses yeux, même derrière ces hublots cerclés de noir.

Fidèle aboyeur de Zidane à la Juve et feu follet inarrêtable avec les Pays-Bas, il est l’un des meilleurs milieux au monde, redouté de tous ses adversaires. C’est ainsi qu’il se retrouve en tête d’affiche sur la jaquette du jeu FIFA Football 2003 en splendide rayé noir et blanc Juventus, avec Ryan Giggs et Roberto Carlos au second plan. Inévitablement, le Surinamais va transformer cette contrainte de binoclard en accessoire de mode. Il varie ainsi les modèles en déclinant des verres plastifiés, plats ou globuleux, teintés en orangé ou parfois en jaune ou vert, ajustés à des montures noires, bleues, blanches, argentées ou translucides. Les formes varient également, mais souvent effilées aux coins des yeux, comme pour mieux pénétrer dans l’air comme les nageurs olympiques fendent les flots. Ce qui est rare est cher : en cas unique et iconique de footballeur à lunettes, le contrat qu’il signa avec Oakley lui rapportait, selon les spécialistes du sportswear, environ 2 millions d’euros par an pour porter et promouvoir les produits de la célèbre marque…

En civil, comme pour mieux coller à son look de footballeur 2.0, Edgar jouera de cette image futuriste en arborant souvent au naturel des montures larges aux verres teintés jaune-orangé. Elles font depuis partie intégrante de son style, même après qu’il ait mis fin à sa carrière. Hors des terrains, il poussait déjà l’élégance vestimentaire italienne jusqu’à porter des lunettes de soleil noires, répertoriées aujourd’hui en Italie sous l’appellation « Occhiali vintage Nike » qui font référence à sa personne. Surtout, son exemple a permis d’assouplir la réglementation du port de lunettes dans le football. Ainsi, comme le rapporte le site afriquesport la FIFA recommande que les lunettes « soient équipées de verres en polycarbonate de bonne qualité pratiquement incassable et pouvant résister aux impacts de balles et de doigts, et que les montures soient fixées avec des sangles de sport plutôt que des fixations de branches. » Mais curieusement, les footballeurs myopes (CR7, Balotelli, De Gea, Gallas, Scholes) ont opté pour les bonnes vieilles lentilles de contact. Normal. Il ne devait y avoir qu’un seul footballeur Marvel : Edgar Davids.