Ronaldo Lima, Zlatan, CR7, Van Nistelrooy… et Didier Drogba ! Auteur de près de 370 buts en carrière, l’Ivoirien a été l’un de ces buteurs 2.0 aussi doués que puissants qui ont ravagé la footosphère ! Un talent, un physique, un style, une personnalité : « ladies and gentlemen, please welcome Mister Drogba… »

Chérif  Ghemmour

Un bon cigare et une bonne bouteille de Cognac. Dans le salon d’un palace munichois, Didier Drogba savoure avec son pote Petr Čech et Christophe Lollichon la victoire de Chelsea en Ligue des Champions 2012. Quelques heures plus tôt, le samedi 29 mai à l’Allianz Arena, les deux potes en francophonie ont été les héros d’une finale remportée contre le Bayern (1-1, 4 TAB à 3) : à la 95ème, le gardien tchèque a arrêté le pénalty de Robben suite à une faute coupable de l’attaquant ivoirien et ce dernier avait égalisé d’une tête-canon à la 88ème. Et il avait surtout inscrit le tir au but victorieux qui offrait sa première C1 à un club londonien ! Au moment de tenter une Panenka, Drogba s’était ravisé et avait juste assuré à ras de terre. La suite avait été une longue dinguerie où Didier, cheveux lissés en catogan, numéro 11 légendaire au dos, piquait des petits sprints sur la pelouse, médaille au cou, et Coupe aux grandes oreilles brandie fièrement en offrande aux supporters…

Didier DROGBA
Didier DROGBA

Enfin ! Les Blues 2012 à la ramasse (6ème en Premier League), entraînés par un intérimaire (Roberto Di Matteo) et peuplés de quelques rares rescapés de l’ère Mourinho se dirigeaient vers une énième désillusion européenne face aux favoris munichois dont les précédentes avaient particulièrement marqué Didier. Une expulsion idiote en finale de C1 perdue en 2008 face à Manchester United (pour une gifle à Vidic) et cette élimination cruelle en 2009 à Stamford Bridge en demie face au Barça (0-0, 1-1), qui lui avait valu une des plus célèbres punchlines du début du 21ème siècle : « It’s a fucking disgrace ! » (« C’est une putain de honte ! ») Un esclandre qui lui avait d’ailleurs valu une mauvaise image de bad boy vulgaire alors qu’il est un modèle de correction. Car Didier n’a pas grandi dans le ghetto, étant issu de la classe moyenne abidjanaise, fils Albert Drogba, employé de banque, et de Clotilde, dactylo… Mais ce soir à Munich, tout est oublié ! A 34 ans, après des années de quête européenne infructueuse, Didier Yves Drogba Tébily a vaincu la malédiction des Blues en Ligue des Champions…

L’Africain du futur

Outre ce titre prestigieux en C1, « Gbagbadê » (« la foudre », son surnom en ivoirien) était devenu en mars 2012 le premier footballeur africain à atteindre les cent buts en Premier League. Pour la gloire de l’Afrique, son prestige égalait celui de George Weah et de Samuel Eto’o ! En huit saisons et 157 buts en 341 matches, et une 4ème place au Ballon d’or 2007, il a contribué à faire de Chelsea une place forte avec trois titres de champion (plus celui de 2015, pour son come back à 37 ans), quatre FA Cups et deux League Cups (plus celle aussi de 2015). Les années Mourinho-Drogba ont magnifié la Premier League, à la suite de l’ère Ferguson-Cantona dix ans plus tôt. En novembre 2012, les supporters des Blues l’éliront même « meilleur joueur de l’histoire de Chelsea » et aujourd’hui encore une banderole à son effigie (« Didier Drogba : the big man for the big occasion ») flotte dans le north Stand de Stamford Bridge. Un honneur vécu de loin puisqu’il avait quitté Londres pour la Chine. Au Shanghai Shenhua FC, il devient le sixième joueur le mieux payé au monde. Tout comme Eto’o, il incarne la réussite et l’excellence nouvelles du footballeur africain hyper professionnel, désormais rémunéré à prix d’or. C’est à Monaco qu’il s’était marié, en costard et en boubou traditionnel, en juin 2011, lors d’une garden party qui avait rassemblé pas mal de footballeurs de la diaspora africaine…

Didier DROGBA
Didier DROGBA

Comme « Samuel Fils », Didier a su s’adapter sous toutes les latitudes. Car « Tito » (son premier surnom de môme doué balle au pied) qui a grandi dans le quartier de Yopougon Sicogi, à Abidjan, s’en est allé en France (1998-2004), en Angleterre (2004-2012), en Chine (2013), en Turquie (2013), au Canada (2015) et aux USA (2017) où il a achevé sa carrière à 40 ans ! C’est lors de ses débuts professionnels au Mans (1997-2002) où il a étudié la comptabilité, que le grand Didier (1m89) s’est façonné une carrure d’athlète typique des attaquants déménageurs des années 2000. « Il n’était pas gainé, il était flasque (…) Il a eu de la chance d’être au Mans.», racontait Marc Westerloppe. Le coach adjoint du MUC 72 en avait fait un Musclor prêt à tout défoncer, en attaquant complet déjà doué techniquement (ambidextre, fantastique jeu de tête et détente jordanienne, létal de loin et de près). Remarqué à Guingamp (2002-2003), il sera idolâtré à l’OM. Une seule saison de rêve (2003-2004), ponctuée de 32 buts en 55 matchs et une finale de C3, hélas !, perdue face à Valence (0-2), a lancé une véritable hype qui a vite débordé des Bouches-du-Rhône.

Didier contre la guerre civile

Depuis son départ en 2004, le mythe marseillais du « grantattakan » empreint de nostalgie reste attaché à son nom : c’est le « nouveau Drogba » que le Vélodrome attend, depuis, comme le Messie. Pas oublieux de Marseille, Didier avait chambré les supporters du PSG au Parc lors d’un match avec Chelsea en C1 en septembre 2014, en leur balançant des « Allez l’OM ! Allez l’OM ! » bien sonores… Avant de devenir une des égéries stars de Nike (Modèles Mercurial Vapor I, II et III puis Mercurial Super Fly), il avait alors contribué au développement d’Airness dans un clip très remarqué avec une panthère noire… C’est d’ailleurs lors de sa saison dorée à l’OM qu’il fut question qu’il joue pour la France, dont il a aussi la nationalité : « à un moment donné, si l’équipe de France m’avait sollicité, j’aurais dit oui, déclarait-t-il. Mais il y a toujours eu ce côté ivoirien chez moi. Je me voyais plus porter le maillot de la sélection ivoirienne ». Avec les Éléphants (2002-2014), malgré ses 106 sélections et 64 buts, « Gbagbadê » connaîtra une incroyable lose en perdant deux finales de CAN aux tirs au but en 2006 et 2012 (il manque même un penalty en cours de jeu). Déçu, il annonce en août 2014 sa retraite internationale.

Six mois plus tard, la Côte d’Ivoire remportait sans lui, la CAN 2015… Mais c’est avec la sélection ivoirienne que Didier Drogba avait pris une dimension politique inattendue. Le 8 octobre 2005, au soir de la première qualification du pays pour la coupe du monde 2006, il avait lancé un appel à la paix aux factions bellicistes au moment où la guerre civile débutée en 2002 semblait reprendre : « Nous vous avions promis que les célébrations uniraient le peuple, alors aujourd’hui, nous vous supplions à genoux (et à son signal, les joueurs tombèrent à genoux) : veuillez déposer vos armes et organiser des élections »… Le message était passé et la fragile concorde avait évité le pire. Pour pérenniser l’unité nationale, Didier, affilié à l’ethnie Bété, s’était rendu ensuite en 2007 à Bouaké, ville contrôlée par les rebelles du FNCI, pour présenter trophée de Meilleur joueur africain 2006 à la population… En 2010, le magazine américain Time l’avait inclus dans le « Time 100 », la liste des 100 personnalités mondiales les plus influentes.

Didier DROGBA
Didier DROGBA

La classe afro-européenne…

En recevant ce trophée du Joueur Africain de l’année à Accra, DD s’était distingué en le célébrant vêtu d’un magnifique boubou traditionnel, ceint d’une couronne de soie multicolore. Une exigence de sa maman, Clotilde ! Cet ancrage familial explique ses allers-retours au pays où il a installé  sa Fondation en 2007 afin d’agir dans le domaine de l’éducation et de la santé en Afrique. Ses nombreux contrats publicitaires (PES 2008, Nike, Pepsi, Turkish Airlines) en alimenteront le financement. Lors d’un gala de charité à Londres, la fondation recueillera 500 000 livres, dont une généreuse participation de ses coéquipiers Blues… À l’instar de ses potes Weah, devenu président du Libéria, et Eto’o, président de la Fécafoot, Didier a tenté sa chance à la présidence de la fédé ivoirienne en 2022, mais pas assez « politique », il s’inclinera au premier tour avec 21 voix récoltées sur 130. Pas grave !

Outre un rôle passager de consultant pour Canal + sur les matchs de Ligue des champions, sa classe naturelle a été mise à profit chez nous où il présente avec humour et élégance la cérémonie du Ballon d’Or France Football depuis 2019, en compagnie de la journaliste Sandy Heribert. L’occasion d’étaler son goût stylé pour les beaux habits, notamment la marque Berluti (costumes, chemises, cravates, mocassins ou Richelieu). Soucieux, toujours, de son « africanité », il a confié au styliste camerounais Ludovic Kamgue (Stradel’s Couture) le soin de confectionner ses costumes pour la cérémonie du Ballon d’Or 2024. Amateur de belles montres, il a rejoint en 2015 les rangs des athlètes et sportifs ambassadeurs de la marque horlogère Richard Mille…  Ainsi va la vie de Didier Drogba, people de la jet-set invité au défilé Louis Vuitton à Paris ou au Château de Versailles lors de la visite officielle du roi d’Angleterre et bienfaiteur de « l’Afrique d’en bas », à la tête de sa fondation Drogba et vice-président de l’association Peace and Sport. Didier reste l’Ivoirien le plus connu de la planète, dans son pays où depuis 20 ans on écluse des « Drogbas », ces bouteilles de bières renommées en son honneur…

Didier DROGBA
Didier DROGBA

 

Chérif  Ghemmour

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