Le 23 mai 1988, Nancy devient pendant quelques heures la capitale du monde. Et pour cause : Michel Platini, Diego Maradona et Pelé sont réunis au stade Marcel Picot pour le jubilé du Roi Michel. L’histoire va retenir de ce match une photo, et un maillot entré dans la légende.

Par Eric MAGGIORI

Après une carrière couronnée de trois Ballons d’Or, d’un championnat d’Europe et de multiples titres de champion national, Michel Platini a souhaité des adieux à la hauteur. Nous sommes le 23 mai 1988, et Platoche a décidé de refermer le livre là où tout avait commencé, au stade Marcel-Picot de Nancy. 35.000 spectateurs se sont réunis dans les gradins pour ce qui reste, à ce jour, le plus grand évènement sportif organisé dans cette enceinte. Et pour cause, pour ce jubilé, le Roi Michel a réuni du beau monde : toute l’équipe de France 1984, et, en face, une sélection internationale composée, entre autres, de Zico, Matthaüs, Madjer, Hugo Sanchez, Dasaev, Tardelli et, bien sûr, Diego Maradona. Le ballon du match est apporté par le Roi Pelé en personne. « Il ne manque personne ! Jamais il n’y a eu un tel plateau comme il y a à Nancy ce soir, ce n’est pas la peine de chercher dans les archives, c’est le plateau du siècle » assure alors Charles Bietry, qui commente la rencontre.

(debout) Giovanni Trappatoni / Zico / Rinat Dassaev / Karl Heinz Forster / Joao Domingos Silva Pinto / Julio Alberto Moreno / Zbigniew Boniek / Maxime Bossis / Norman Whiteside / Diego Maradona / Paulo Futre / Michel Hidalgo - (en bas) Lothar Matthaus / Igor Belanov / Jean Marie Pfaff / Rabah Madjer / Michel Platini / Hugo Sanchez / Michel / Marco Tardelli / Gordon Strachan / Enzo Francescoli / Oleksandr Zavarov  - 30.05.1988 - Jubile Michel Platini - Selection francaise / Selection Mondiale - Nancy 
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Une Fondation pour aider les toxicomanes à se réinsérer

Si le match entre la France 84 et la sélection internationale sera, en lui, assez anecdotique, une image va passer à la postérité. Juste avant le coup d’envoi, les trois numéros 10 les plus légendaires de l’histoire posent ensemble pour un cliché historique : Platini, Pelé et Maradona. Si Pelé est en costard noir, Platini et Maradona, eux, sont en tenue de foot. Platini porte le maillot de l’équipe de France, bleu, et Maradona celui de sélection internationale, blanc et vert. Un point commun entre ces deux liquettes : ils affichent tous les deux le message « No Drug ». Cocasse…

Petit retour en arrière pour resituer le contexte. En février 1987, Michel Platini crée une Fondation pour aider les toxicomanes à se réinsérer. « Conscient du prestige dont il jouit auprès des enfants et des jeunes, le capitaine de l’équipe de France de football travaillera en liaison avec les centres de cures et de post-cures agréés par le ministère de la santé. Son objectif sera de placer les toxicomanes, en voie de guérison, en stage dans une entreprise » peut-on lire dans Le Monde du 19 février 1987. Le trésorier de la Fondation Michel Platini n’est autre que Fernand Sastre, président de la Fédération française de football. C’est donc en toute logique que, pour promouvoir sa Fondation, Michel Platini décide d’affiche le message « Drogue No! » sur tous les maillots de son jubilé.

Michel Platini - 30.05.1988 - Jubile Michel Platini - Selection francaise / Selection mondiale - Nancy
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Maradona avec les chaussures de Papin

Oui, sauf que, forcément, un maillot anti-drogue porté par Diego Maradona, cela a de quoi faire sourire. A l’époque, en 1988, le Pibe de Oro est au sommet de sa carrière, mais tout le monde sait qu’il prend de la drogue. Bien des années plus tard, son ancien coéquipier à Argentinos Juniors, Carlos Fren, avait raconté à Infobae que Diego « avait commencé à consommer de la cocaïne non pas en Espagne, mais dès 1981 quand il jouait à Boca ». Dans ses Mémoires, parues en 2000, Diego avait raconté que sa consommation avait augmenté en Catalogne, et que « chaque prise de drogue lui procurait un sentiment de toute-puissance intellectuelle et physique. » Et cela ne va évidemment pas se calmer à Naples, où la cocaïne fait désormais partie de son quotidien.

Réussir à attraper Maradona pour l’amener à Marcel-Picot est donc, à l’époque, un exploit. Mais lui faire porter un maillot « No Drug ! » relève du génie. « Jacques Vendroux, manager général de l’évènement, avait dépêché des gardes du corps pour les stars présentes, avait raconté le journaliste Dominique Grimaux sur Europe 1, dans l’émission Jeudi Maillot. Et le garde du corps de Maradona, c’était Albert Couriol, journaliste à L’Equipe. La veille du jubilé, Couriol finit par perdre Maradona à Paris, et dit à Vendroux : « Je ne sais pas ce qu’il est devenu ». Et on ne sait pas comment, il a fini par arriver à Nancy, au stade Marcel-Picot, une heure avant le coup d’envoi. » Maradona ne devait même pas jouer le match, il devait être là en tant qu’invité. Mais face à l’insistance de Platini, il finit par accepter. C’est Jean-Pierre Papin, le seul à chausser du 39 comme lui, qui lui prête ses crampons.

Et voilà donc comme Diego Maradona se retrouve propulsé sur la pelouse, apparaissant devant des millions de téléspectateurs avec un maillot « No Drug ! ». Didier Roustan, présent sur place ce jour là, avait lui aussi parlé de ce moment spécial sur Europe 1. « On est en 1988, tout le monde sait que Maradona prend de la coke, qu’il est cocaïnomane, et le mec aurait pu dire : « C’est mort je ne mets pas ce maillot, je vais me faire chambrer ». Eh bien non, il enfile le maillot, il assume, et il prend une photo légendaire avec Pelé et Platini ». Ce qui ne l’empêchera pas d’être contrôlé positif à la cocaïne trois ans plus tard, et de rendre ce maillot définitivement immortel.

Le jour où Maradona a porté un maillot "No Drug"

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