Club d’une petite ville proche de la frontière française, le FC Homburg a un jour évolué en Bundesliga. Cet actuel pensionnaire de D4 a fait scandale en 1988 en signant un partenariat avec une marque de préservatifs. Jusqu’à ce que la Justice lui donne raison face à la fédération qui a tout mis en œuvre pour faire… capoter le deal.

Julien Duez // Photos © IMAGO / dpa

Cette saison, le Land de Sarre est de retour sur le devant de la scène depuis que le FC Sarrebruck enchaîne les exploits en Coupe d’Allemagne. Une bonne publicité pour l’une des plus petites régions du pays, nichée derrière la frontière française, qui n’a jamais pesé bien lourd sur l’échiquier footballistique de nos voisins d’outre-Rhin.

La preuve, quand on évoque le FC Homburg (rien à voir avec Hambourg), aujourd’hui pensionnaire de D4, ce n’est pas en souvenir des trois saisons qu’il a passé en Bundesliga à la fin des années 1980, mais pour un sponsor un peu particulier qui l’a fait connaître à l’époque dans l’Europe entière. Flashback.

Sergio Maciel (FC Homburg)
Sergio Maciel (FC Homburg)

Un président qui n’a pas la langue dans sa poche

Nous sommes en 1988. Deux ans plus tôt, le FC Homburg, fondé huit décennies auparavant, accède à l’élite pour la première fois de son histoire. Sur son traditionnel maillot vert et blanc, il affiche le nom d’un brasseur, lequel décide cependant de retirer ses billes après un premier exercice périlleux et un maintien acquis de justesse.

C’est là que commence la traversée du désert pour le président Manfred Ommer. Ancien athlète spécialiste du 100 mètres (il établit d’ailleurs un record européen à 10 secondes pile en 1974), Ommer n’a jamais été connu pour avoir sa langue dans sa poche.

Quand le FC Homburg affichait une marque de préservatifs sur son maillot

Lors des Jeux olympiques de Munich en 1972 par exemple, il se retire avant les demi-finales du 200 mètres, estimant qu’il ne pouvait pas faire comme si de rien n’était après le massacre d’athlètes israéliens par le commando Septembre noir. En 1977, peu après sa retraite sportive, il avoue carrément avoir eu recours au dopage pendant sa carrière.

Et lorsqu’il prend les commandes du FC Homburg quelques années plus tard, c’est sous sa houlette que le club accède à l’élite et c’est sa gouaille qui va lui permettre de retrouver un sponsor, après plusieurs mois de disette, pendant lesquels ses joueurs feraillent chaque weekend avec un maillot vierge sur les épaules.

Au nom de la morale

Au mois de mars 1988, Manfred Ommer annonce avoir signé un contrat pour un montant de 200 000 marks (100 000 euros) avec l’entreprise London Rubber Company, qui n’est pas basée en Angleterre, mais à Mönchengladbach. Une sacré somme pour l’époque, qui évitera au club de finir la saison dans le rouge.

Seulement voilà : le produit-phare de la société, ce sont des préservatifs, commercialisés sous la marque London et connus dans toute l’Allemagne. Et ça, la fédération allemande (DFB) n’entend pas le laisser passer, “au nom des bonnes mœurs et de la morale”.

Des membres du FC Homburg dans l’usine de préservatifs London.
Des membres du FC Homburg dans l’usine de préservatifs London.

Face au Waldhof Mannheim, les joueurs sont priés de rentrer au vestiaire et de n’en ressortir qu’avec leur tunique vierge. “Avant le coup d’envoi, l’arbitre Walter Eschweiler m’a demandé que les joueurs ne revêtent pas les maillots, sans quoi il ne pourrait pas siffler le début du match”, racontait en 2016 le président, décédé de la maladie de Parkinson cinq ans plus tard, dans les colonnes du quotidien Bild.

Mais, comme à son habitude, Manfred Ommer n’a pas sa langue dans sa poche et, après avoir déploré lors d’un entretien à la télévision que “l’autoproclamé gardien de la vertu Mayer-Vorfelder (le président de la DFB, ndlr) n’arrive pas à se défaire de son costume de petit-bourgeois”, il joue la carte de la confrontation directe et obtient du tribunal une ordonnance en référé, permettant à ses joueurs d’évoluer avec le nom du généreux sponsor sur la poitrine.

Un énorme battage médiatique

Mais la DFB contre-attaque et obtient, par l’intermédiaire de ses avocats, le retrait de cette ordonnance un mois plus tard. Après avoir disputé cinq matchs avec le maillot London, Homburg a le couteau sous la gorge : la fédé menace en effet de lui infliger une amende de 100 000 marks, en plus de lui retirer tous les points marqués lors des rencontres jouées avec le maillot London.

Ce à quoi l’entraîneur de l’époque, Slobodan Čendić, répond avec humour : “Quels points voulez-vous nous retirer exactement ?”, en référence au fait que son équipe se traîne au fin fond du classement de la Bundesliga. Cependant, pour ne prendre aucun risque, la direction du FC Homburg décide, pour les six dernières journées, de scotcher une bande noire sur le logo de la discorde.

Avant d’affronter Schalke 04, le speaker du stade y va d’un bon mot lui aussi : “Notre équipe joue aujourd’hui avec une bande noire sur la poitrine. Mais tous ceux qui connaissent la capitale de l’Angleterre savent ce qui se cache en-dessous”.

Parmi les joueurs de l’équipe, on retrouve alors au milieu de terrain l’actuel entraîneur du SC Fribourg Christian Streich : “Je pense que la société London a été très satisfaite de la publicité, car cela a causé un énorme battage médiatique.”, racontait-il lors d’une conférence, 30 ans après les faits.

Dieter Finke (FC Homburg)
Dieter Finke (FC Homburg)

Des maillots complètement moisis

De son côté, Manfred Ommer ne lâche pas l’affaire : “La stupidité des fonctionnaires de la fédération est un banc sur lequel on peut s’asseoir”, grince-t-il dans la presse. Selon lui, la fronde menée contre son club n’est rien de moins qu’une énorme hypocrisie : “Nous étions pourtant en avance sur notre temps, car à l’époque, tout le monde parlait du sida, rejoue-t-il dans les colonnes du Bild. La ministre de la Santé Rita Süssmuth saluait chaque publicité pour des préservatifs affichée sur les colonnes Morris. C’est fou que nous n’ayons donc pas eu le droit de le faire.

Homburg est finalement relégué en 2. Bundesliga et c’est en D2 que le club apprend que la 13e chambre du Tribunal de grande instance de Francfort a définitivement donné tort à la DFB. Les hommes d’Ommer peuvent désormais afficher fièrement le logo London sur leur maillot et refont l’ascenseur une dernière fois, avant d’aller se perdre dans les divisions inférieures.

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et plus personne ne s’offusque de voir une marque de préservatifs en guise de sponsor. La preuve : lorsque Homburg a affronté Greuther Fürth en Coupe d’Allemagne à la fin du mois d’octobre dernier, les Vert et Blanc affichaient le logo de la marque Billy Boy, une sorte de Durex allemand, sur la manche de leur maillot. “Un bel hommage au passé”, selon Danny Schwarz, l’actuel entraîneur du FCH.

Quand le FC Homburg affichait une marque de préservatifs sur son maillot

Et pour les collectionneurs, un joli lot de consolation puisque, selon le secrétaire général du club Rafael Kowollik, les tuniques London ont fini par être “rangées au placard”, révèle-t-il à l’agence de presse dpa. Lorsque celles-ci ont été exhumées au début des années 2000, elles étaient “en grande partie complètement moisies. Il n’existe quasiment plus d’exemplaires de ce maillot en bon état”.

Julien Duez // Photos © IMAGO / dpa

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