Analyse de style
Pourquoi la coupe de cheveux d’Akliouche et Ben Seghir a autant de succès

Les deux milieux offensifs de l’AS Monaco Maghnes Akliouche et Eliesse Ben Seghir sont jeunes et talentueux. Mais c’est leur drôle de chevelure qui les rend presque jumeaux. Une coupe des coupes de plus en plus en vue sur tous les terrains et qui vient de loin…
À la télé, il suffit d’apercevoir leur touffe pour les reconnaître aussitôt. Pour les distinguer, Maghnes Akliouche (22 ans) joue plutôt à droite et Eliesse Ben Seghir (19 ans) plutôt à gauche. Eliesse se différencie par ses colorations claires, blond-roux. Le jeu emballant de l’AS Monaco suit ainsi les ondulations chevelues de ses deux feux-follets. Et à l’international : quels sont les autres héros capillaires qui défrisent eux aussi ?
De nombreux autres jeunes loups arborent ces touffes épaisses sur le crâne mais rasées sur les côtés et sur la nuque. On peut citer Rico Lewis et Nico O’Reilly (Manchester City), Anthonee Robinson (Fulham, avec une légère teinture blanche, parfois), Renato Veiga (Chelsea), Igor Jesus (ailier international de Botafogo), Nathaniel Brown (Francfort) ou le Belge de l’OL, Malick Fofana, qui, lui, retient son afro à l’aide d’un serre-tête. La texture naturelle capillaire de ces Afro-descendants, Antillais ou Maghrébins leur permet d’arborer ces arborescences touffues et originales. Mais les petits Européens aux « cheveux de paille », plus raides, ne sont pas en reste, tels Archie Gray (Tottenham) ou Pau Victor (FC Barcelone) qui surchargent aussi leurs crânes de mèches en dégarnissant les tempes !
Beaucoup d’autres joueurs ont adopté cette coupe, mais avec des variantes portant sur le volume moindre des cheveux (Luis Diaz, Liverpool), les tresses en dreadlocks (Tapsoba, Leverkusen) ou les nuques non rasées (Kingsley Coman, Bayern). C’est le cas aussi des Antonio Nusa (Leipzig), Lloyd Kelly (Newcastle) ou Caleb Wiley (Strasbourg). Nommer exactement cette drôle de coupe de cheveux « en palmier » ou littéralement « en pétard » sur le sommet et bien dégagée sur les tempes et derrière le cou emprunte au concept anglais de crop haircut. En gros : rasé sur les côtés et sur la nuque, et avec une frange épaisse sur le dessus de la tête et/ou sur le front. Mais certaines origines des fantaisies des Ben Seghir ou Rico Lewis sont plus lointaines…
Les codes culturels afro-américain (sports, musique, cinéma, fashion) du passé et du présent ont évidemment pour une grande part inspiré les styles capillaires des jeunes footballeurs actuels. On peut remonter en gros aux années 80 qui ont établi le célèbre flat top fade (ou hi-top fade) caractérisé par les tempes dégagées en dégradé et surtout un top proéminent, aplati, négligé ou savamment sculpté. Le groupe funk Cameo, le dingo Mister T ou les rappeurs de De La Soul ont ainsi fait sensation avec leur flat top avant d’être adopté par certains cracks de NBA (Patrick Ewing, Dream Team 1992) ou par le jeune Will Smith dans la série TV, Le Prince de Bel Air. Mêmes flat tops chez certains bad boys du ragga-rap jamaïcain dont les modes n’ont jamais cessé jusqu’à aujourd’hui d’influencer les jeunes anglais d’origine caribéenne, dont pas mal de footballeurs actuels…
À la culture hip-hop s’est mêlée aussi la radicalité punkoïde des tempes et nuques rasées surmontées par les fameuses crêtes iroquoises ou blocs compacts peroxydés d’un Joe Strummer 1985 (The Clash). Et les courants multiculturels capillaires entrecroises ont suivi… et le foot avec ! Les années 2010 ont ainsi mêlé des variations de la coupe afro seventies (le jeune Rio Ferdinand à MU), d’une part, et d’autre part les tempes rasées de près aperçues notamment chez la Mannschaft championne du monde 2014 (Kroos, Boateng). Et parmi les précurseurs bushy (de bush, buisson) qui ont précédé les Rico Lewis et Akliouche, il y eut bien sûr Witsel ou Willian. Les tempes rasées avec un top fourni ont, elles, essaimé avec Stefan El Sharawy ou Lautaro Martinez (période Racing Club, avant l’Inter). Mais le top du crop afro reste le juventino Weston McKennie arborant un dégradé coloré bleu-rouge-banc volontairement patriotique sur son buisson ardent au Mondial 2022 !
Avec les Akliouche, Ben Seghir, Lewis, Veiga, Igor Jesus, le foot 2024 offre donc un télescopage des modes capillaires passées et présentes selon le cycle éternel du « ça s’en va et ça revient ». Comme on le voit, ces fantaisies chevelues touchent les très jeunes joueurs qui s’affirment en mavericks ambitieux, donc désireux d’affirmer leur talent, leur personnalité et surtout leur style. Les tempes et la nuque rasées traduisent l’aérodynamisme un peu radical de jeunes hommes pressés ! Une rebel attitude contre le conformisme vieille comme le football depuis George Best et ses cheveux longs Beatles ou Paul Breitner et sa coupe afro insensée dans la RFA très conservatrice des seventies. Chez les Verts, les longues mèches hippies de Dominique Rocheteau contestaient la raie plaquée droitarde de Jean-Michel Larqué, tout comme, plus près de nous chez les Bleus, les dingues iroquoises colorées de Paul Pogba chambraient gentiment la coupe minimaliste stricte de son capitaine Hugo Lloris, adulte « posé et responsable ».
C’est pour ça que ces touffes rookie style 2.0 osées, provocantes et inspirées de la culture hip-hop mainstream au sens large, sympa et relax, ne durent jamais très longtemps. En prenant de l’âge et de la bouteille, les footballeurs réduisent la voilure de leurs chevelures autrefois « en pétard », mais tout en rafraîchissant les tempes (les côtés très raccourcis sont encore la tendance actuelle, quasi généralisée). C’est le cas de Reece James (Chelsea), Thiago Santos (Lille), Greenwood (OM), Curtis Jones (Liverpool) ou Josha Vagnoman (Stuttgart) qui arborent actuellement des buissons moins volumineux. Reste qu’un peu partout dans le monde, au lycée ou en club, pas mal de kids d’aujourd’hui osent cette Coupe des coupes popularisée chez nous par Maghnes et Eliesse. Et avec l’émergence de leurs semblables tout aussi talentueux, cette originalité chevelue devrait durer encore un petit bout de temps…
Retrouvez chaque jours des vidéos, des photos, des actus et des histoires de maillots légendaires
Nous suivre sur Insta