Notre légendaire gardien passé par le TFC, l’OM, Monaco, Manchester United et Nantes a surtout ambiancé toutes nos soirées avec les Bleus. Un talent et un palmarès hors norme, un tempérament de feu et des excentricités de barjot en ont fait une des personnalités les plus attachantes de la France contemporaine…

Chérif Ghemmour

Le 12 juillet 1998 à minuit, Zinedine Zidane est le numéro 1 des Bleus, grâce à un doublé contre le Brésil (3-0) et le lumineux « Zizou président » éclairant l’Arc de Triomphe. Alors, Zizou : l’idole absolue ? Pas si sûr… La France s’est aussi prise de passion pour son gardien de but de 27 ans, Fabien Barthez, dont elle connaît tous ses gimmicks : sa tenue complète noire, son numéro 16, son slip rouge sous son short (par superstition), son crâne chauve que Lolo Blanc ambrasse avant chaque match, ses manches de maillots coupées (et pieusement conservées par Henri Emile, l’intendant de l’Equipe de France) et sa décontraction déconneuse ponctuée d’une rigolade insensée au moment des hymnes, avant la finale ! Fabien a fait marrer la France entière avec « la gigitte », une expression de l’Ovalie (« T’as les poils de c… qui s’agitent ! »)… Le gars assume aussi sa tabagie et dans sa chambre de Clairefontaine, Manu Petit et Lolo Blanc venaient eux aussi s’en griller une.

Fabien Barthez
Fabien Barthez

En octobre 1995, Fabien avait été contrôlé positif au cannabis et s’était chopé une suspension de quatre mois, dont deux ferme, alors pourquoi se cacher ? Après un retour triomphal dans son Lavelanet natal (Ariège), il décompresse mi-juillet à Saint-Tropez, déclenchant une ahurissante Barthezmania : considéré comme le joueur « le plus sympa des Bleus», il fait la Une de Paris Match. Cible privilégiée des paparazzis, il est flashé en scooter des mers avec Linda Evangelista en passagère. Et c’est partie pour la hype inédite des top-models maqués à des footballeurs (Adriana et Christian Karembeu) ! Gala enquille avec un sondage étonnant : plus de 38 % des françaises avouent qu’elles voudraient partir avec lui en vacances sur une île déserte, devant Zidane et Emmanuel Petit ! Encore plus fou : le nombre de bébés prénommés Zinedine, Lilian, Bixente et Fabien a fortement augmenté après le Mondial : plus d’un millier de petits Français ont été prénommés Fabien. Sur la durée de l’été 1998, Fabien l’aurait donc bien emporté sur Zizou…

Munich 1993 : baptême de feu avec l’OM !

Comme pour d’autres Bleus, la pub capitalise aussitôt sur son image sympatoche, comme Petit Ecolier de Lu et surtout Mcdonald, qui reproduira avec lui le baiser de Lolo mais sur le Mega Mac. Niveau matos, il sera longtemps promoteur des crampons Adidas World Cup et ses gants Adidas 98 Barthez-Pro (noirs ou blancs) feront fureur. Mais c’est d’abord sur ses exploits sur le terrain que le « Divin chauve » (son surnom) s’est forgé sa popularité inouïe. Notamment en quarts contre l’Italie, stoppant le tir au but d’Albertini juste après l’échec angoissant de Lizarazu. Et quand celui de Di Biagio, tireur ultime, s’est écrasé sur la barre, il n’avait même pas réalisé tout de suite que la France était qualifiée ! Bergeroo et Candela avaient bien tenté de le tuyauter avant la série, mais que dalle ! « Vincent, j’ai pas voulu l’écouter, ni Bergeroo : j’ai pas voulu savoir », racontera-t-il sur RMC Sport. Car Fabien est resté ce phénomène à la fois de décontraction et de concentration extrêmes découvertes le 26 mai 1993, en finale de C1 OM-AC Milan (1-0). À 22 ans à peine, encore chevelu, il avait été choisi par Tapie comme il l’avait révélé sur RMC-Sport : « J’avais deux très bons gardiens : Olmeta et son expérience et Fabien, un talent incroyable. Et moi, j’ai mis le petit ! » Ses deux arrêts déterminants face à Daniele Massaro et Marco van Basten avaient fait le reste.

Fabien Barthez
Fabien Barthez

En finale du Mondial 98 au Stade de France, il avait bloqué une volée à bout portant de Ronaldo. Il finira seul joueur français ayant disputé les 684 minutes des sept matchs du Mondial et sacré meilleur keeper du tournoi au sein de la meilleure défense (deux buts encaissés, seulement). Fabien vit son âge d’or qui durera jusqu’à 2003, l’année où il deviendra le seul gardien international à avoir remporté la Coupe du monde, le Championnat d’Europe 2000 et la Coupe des Confédérations 2003. Il sera aussi champion d’Angleterre avec MU en 2001 et 2003. À l’Euro 2000, il avait ébloui en demie, face au Portugal (2-1 a.p), avec une  manchette divine à 1-1 détournant une tête puissante d’Abel Javier. En finale, il avait fait rater Del Piero à la 58ème (à côté) puis à la 83ème (arrêt), toujours à 0-1. Sur un de ses longs dégagements qui ont fait sa réputation, il avait trouvé la tête de Trezeguet qui avait transmis pour Wiltord, auteur de l’égalisation miracle à l’ultime 94ème minute…

Killer impitoyable…

Etonnamment, il n’est pas grand (1m80), mais ses réflexes extraordinaires, son placement sûr et son refus de l’esbroufe (« les beaux plongeons pour la photo, c’est pas mon style ») en ont fait l’un des meilleurs gardiens de son époque. Très jeune, il a été un bosseur forcené qui s’est partagé entre le foot et le rugby jusqu’à 15 ans ! Et puis, Fabien n’est pas exactement « cool » : c’est avant tout un killer-né, un compétiteur impitoyable… À ses débuts en pro, en 1991 au TFC, en troisième gardien, il relègue à 20 ans Robin Huc et Olivier Pédénas sur le banc. Tapie, impressionné, l’engage à l’OM où il « tuera » le titulaire adoré du Vélodrome, Pascal Olmeta. Champion de France en 2007 avec Monaco, le coach Jean Tigana en fait son capitaine. Quand il désire quitter l’ASM en 1999, le terrible directeur sportif Jean-Louis Campora le prolonge jusqu’en 2004 mais pour un million de francs par mois, plus gros salaire du football français !

Fabien Barthez
Fabien Barthez

Sa puissance de caractère va surtout l’imposer en équipe de France. Deuxième gardien des Bleus derrière l’intouchable Bernard Lama, il lui passe devant juste avant la Coupe du monde 1998. Suivant le conseil de l’entraîneur des gardiens, Philippe Bergeroo, bluffé par sa force mentale, Aimé Jacquet a tranché : « Fabien a évolué. C’est un garçon tranquille qui est devenu un leader en club et a pris beaucoup d’amplitude avec les Bleus… » Bernard étant porteur du numéro 1, Fabien s’était ainsi rabattu sur le 16 qui fera sa gloire… À United, il subjugue l’Angleterre par ses mind games (duels psychologiques) au moment des pénaltys, notamment en novembre 2001 puis en octobre 2002 où Fabulous Fab (son surnom outre-Manche) détourne les pénos de Muzzy Izzet puis de Steed Malbranque en leur faisant perdre leurs moyens… Revenu à Marseille en 2004, il détruit moralement son jeune et doué concurrent Cédric Carrasso lors de la saison 2005-2006. Beau joueur, Fabien expliquera à Cédric qu’il avait besoin de le houspiller pour lui apprendre le haut niveau et le remerciera de l’avoir poussé à rester compétitif en vue de la Coupe du monde 2006. Lors du stage de Tignes d’avant Mondial, il fait craquer Grégory Coupet pressenti pour être titulaire ! Fabien, qui assurera dans les cages jusqu’à la finale, (1-1 et 3 TAB à 5 face à l’Italie), avait mis la pression sur Domenech avant le tournoi, en lui indiquant qu’il quitterait le stage s’il n’était pas le titulaire…

Gardien révolutionnaire

Rien d’étonnant que ce baroudeur urbain, souvent chaussé de Timberlands, habillé de jean’s et d’épais veste-blouson cuir se soit reconverti un temps dans la compétition automobile de rallye (2008-2016), devenant même champion de France FFSA GT en 2013. Après sa fin de sa carrière annoncée le 10 février 2008, il avait ainsi switché sur une autre passion, sur une autre adrénaline… Son légendaire côté casse-cou (cf. son tampon monstrueux sur Ronaldo en 1998, son expulsion pour tacle assassin lors de la finale de C3 2004, OM-Valence) avait déteint sur son jeu au pied hyper risqué qui le faisait parfois dribbler les attaquants adverses. « Je n’ai jamais pris de risque ! Pour moi, dribbler, c’était le geste le plus efficace pour me sortir de certaines situations », justifiera ce fan absolu du paisible Hugo Lloris. Hélas ! Lassé par ces « fantaisies » trop périlleuses, Alex Ferguson l’écartera des buts de MU en fin de saison 2003. Mais, par son jeu au pied participatif de gaucher adroit et dans un rôle quasi précurseur de gardien-libéro, il a contribué à révolutionner son poste. «Me qualifier de ‘gardien de but’ est réducteur car j’aime être impliqué dans le jeu autant que possible : je suis avant tout un joueur de football », avait-il professé à sa présentation à Old Trafford en 2000.

Son anticonformisme le pousse au naturel à pisser discrétos sur la pelouse en pleins matchs ou à se marrer durant la Marseillaise à Reykjavik, lors d’Islande-France en septembre 98. Une Marseillaise que le pourtant Chevalier de la Légion d’honneur ne chantait jamais : «Si je la chante, je perds tous mes moyens et ma concentration. L’hymne me bouleverse, donc je déconne pour éviter d’être déstabilisé », avouait-il… Fabien n’avait pas calculé la mode des crânes chauves post-1998 qui décomplexera les mâles français, tels son pote Obispo, le Deejay Corti, les rappeurs Rim-K, Booba, Rohff ou Eric Judor ! Personnage aussi attachant qu’exaspérant (cf. son crachat sur un arbitre marocain en 2005), il restera le gardien exceptionnel et le clown excentrique en moustache-barbichette immortalisé par Les Guignols de Canal + : « Booooon-soir ! Je peux dire uneu conneurie ? ».

Fabien Barthez
Fabien Barthez
Chérif Ghemmour

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