Interview
Quand les clubs de Ligue 1 jouaient chacun avec leur propre ballon

Avant l’introduction du ballon unique lors de la saison 2009-2010, chaque club de Ligue 1 et Ligue 2 disposait de son propre ballon. Mais quels étaient les avantages et les inconvénients de ce système ? Petit retour dans le temps avec l’ancien gardien Jérôme Alonzo.
En juin 2009, la LFP acte l’utilisation systématique d’un seul et même ballon pour tous les championnats de France professionnels pour plus « d’équité sportive ». Terminé les ballons Umbro de Lyon, Erreà de Lorient ou Airness de Rennes, c’est Puma qui devient pour trois saisons le fournisseur officiel de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Une vraie petite révolution qui est encore aujourd’hui d’actualité, avec le ballon Kipsta. Mais comment les gardiens de l’époque faisaient pour jouer chaque week-end avec des ballons différents ? L’ancien gardien du Paris-SG Jérôme Alonzo plonge dans ses souvenirs pour nous le raconter.
Quels souvenirs gardes-tu de l’époque où chaque club jouait avec son propre ballon ?
Déjà, c’est de bons souvenirs, puis nous, les gardiens, on étaient les premiers concernés (rires). Il faut savoir que dans les clubs sérieux, comme le Paris-SG où j’étais par exemple, on avait un stock de tous les ballons de la Ligue 1. Deux jours avant les rencontres à l’extérieur, on s’entraînait avec le ballon de l’équipe où l’on allait. À la base, c’était surtout fait pour les gardiens parce qu’il y avait des différences de poids, de diamètre, de flottement dans l’air et aussi de réaction à la pluie, parce que certains d’entre eux devenaient plus légers ou plus lourds selon les conditions.
Tu confirmes donc l’anecdote célèbre de Juninho, qui expliquait qu’il demandait à son intendant de lui fournir à l’entraînement les ballons des adversaires du week-end.
Totalement, après il y avait quatre marques qui étaient très présentes : Umbro, qui était assez petit et flottait beaucoup, ce qui a d’ailleurs fait le succès de « Juni« , ensuite adidas, Puma et Uhlsport. En tout on avait une vingtaine de ballons à stocker donc ça allait. Mais pour revenir sur Juninho, un ballon Adidas ne partait pas du tout pareil que le ballon Umbro de Lyon. Il faut savoir que les diamètres étaient réglementairement les mêmes mais qu’à l’œil et au toucher tu n’avais pas du tout la même sensation. On disait souvent à l’époque : « C’est un ballon de beach-volley ! » La circonférence était la même mais la manufacture était différente, et cela changeait totalement nos perceptions.
Tu as une anecdote particulière justement avec l’un d’entre eux ?
J’ai fait sortir un ballon Nike du circuit ! Une année on reçoit un modèle avec une sorte de trait dessus, il était jaune et violet. Et quand il roulait au sol, ça faisait comme une sorte de roue de vélo voilée. On avait l’impression qu’il ne roulait pas droit le bordel. Et un jour je prends un but totalement casquette sur un centre tir d’Helder Postiga, dont on a beaucoup rigolé après, et tu me vois à la fin de la rencontre en parler avec Jérémie Janot à la fin du match. À ce moment-là, il me disait qu’il avait failli se faire avoir aussi. Suite à cet épisode, j’ai réussi dès la semaine d’après à remettre dans le circuit les ballons de la saison d’avant que je trouvais beaucoup mieux. Les mecs de Nike avaient gueulé et tout mais on avait tous nos bêtes noires. Personnellement, ce ballon-là m’était insupportable. Il y avait aussi les ballons Mitre, c’était une catastrophe. Ils étaient incontrôlables, surtout quand il y avait du vent. Nous, les gardiens, on le détestait ! Je n’étais pas un grand fan à l’époque des ballons Nike, dès qu’il y avait un trait ou une parabole, ça me dérangeait.
Les marques écoutaient vos retours quand un modèle ne vous convenait pas ?
Oui, on était écoutés et les marques étaient très intéressées par nos retours. Je n’étais pas le premier à me plaindre de ce modèle en question et c’est pour cela qu’il n’a pas fait long feu.
Il y avait des différences de poids, de diamètre, de flottement dans l’air et de réaction à la pluie
Et les ballons que tu as préférés ?
L’adidas Tango bien sûr ! Le meilleur ballon de tous les temps. Il n’a jamais été égalé. Il n’y avait jamais de mauvaise surprise, c’était un ballon fantastique. Sinon, j’ai aussi aimé le Puma qu’avait Monaco et ensuite certains Uhlsport.
Concrètement, qu’est-ce qui était le plus dur en tant que gardien avec ces différents ballons ?
Premièrement, gérer les trajectoires, ensuite la contorsion à la pluie. Je me souviens typiquement des premiers ballons Ulhsport… C’était très dur. Auxerre a été très longtemps avec cette marque-là et je me souviens très bien qu’ils prenaient la pluie. Certains gardaient l’eau, donc devenaient de plus en plus lourds au fil des minutes d’une rencontre. Parfois, il prenait quasiment 500 grammes !
Certains vieillissaient plus ou moins bien, non ?
Totalement ! Et d’ailleurs, je me souviens très bien que Guy Roux s’amusait, lors des échauffements quand tu jouais à l’Abbé–Deschamps, à donner aux adversaires des filets de ballons qui avaient plusieurs mois et qui étaient totalement pourris. Donc ce qu’on faisait, notamment avec le PSG, c’est qu’on se ramenait avec nos propres ballons de la marque d’Auxerre pour être certain de se rapprocher le plus possible du ballon du match. Ça fait partie de la légende.
Il y avait aussi des modèles pour la neige ?
Chaque club avait son ballon orange pour la neige, oui ! À Sochaux, ils jouaient avec dès le mois de décembre. C’était très drôle.
Les ballons Mitre, c’était une catastrophe…
C’était compliqué pour les intendants ?
Pas du tout, les mecs avaient des réseaux et les ballons n’étaient pas introuvables contrairement à des gants ou des crampons rares. Il n’y a jamais eu de problème d’approvisionnement.
Le ballon unique est introduit en championnat en 2009-2010, mais c’était déjà le cas en coupe de France, non ?
Oui ! En tant que gardien, j’aimais bien la compétition pour ça. D’ailleurs, tous les clubs jouaient en maillots adidas, peu importe les contrats de sponsoring. On avait même les survêtements de la marque aux trois bandes. J’ai un grand souvenir avec l’adidas Etrusco, le petit frère du Tango, contre l’OM en février 2002 où j’arrête le penalty de Daniel Van Buyten. J’ai la photo à la maison donc je le vois tous les jours (rires).
Qu’est-ce que tu gardes de positif de ce système ?
À l’époque, on trouvait cela bizarre que la Ligue ou la fédération n’arrive pas à trouver un fournisseur unique. Mais cela faisait partie des discussions de vestiaire, on s’y était fait et on n’allait pas faire une grève pour ça. C’était devenu presque un cérémonial. On savait que le jeudi on allait s’entraîner avec le ballon de l’équipe adverse. C’était plus fun que contrariant.
* les photos dans le corps de l’article ont été envoyées par Jérôme Alonzo
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