A l’occasion de la sortie du biopic Bob Marley : One Love au cinéma, on revient sur la passion foot du rastaman, précurseur du sportswear reggae-rock…

Par Chérif Ghemmour

Le clip de Could you be loved, le dernier grand hit de Bob sorti à l’été 1980, raconte tout de sa passion foot. Les premières images montrent des gamins de Kingston jouant pieds nus dans le ghetto de Trench Town.

L’essentiel de la vidéo cadre Bob en studio en train d’enregistrer sa partie de chant au micro. En alternance de ces prises, des séquences de parties de football endiablées montrent la star du reggae habile balle au pied, virevoltant dans son bas de survête Adidas vert.

Retour au studio avec la caméra qui détaille en gros plan les pieds du chanteur : Bob est chaussé d’une paire de crampons Adidas ! Telle était la vie de l’artiste-footballeur, littéralement dévoré par son amour de la musique et du ballon rond…

Bob Marley, foot-look reggae !

Né en Jamaïque en 1945, puis devenu tout au long des années 60 chanteur idolâtré de l’Île avec ses deux compères Peter Tosh et Bunny Wailer, Robert Nesta Marley était devenu en 1973 star internationale d’un style afro-caribéen émergent, le reggae, à la faveur du succès colossal d’Eric Clapton reprenant I shot the Sheriff, un titre écrit et composé par Bob.

Séparé de Peter et Bunny, Marley et son groupe The Wailers enquilleront ensuite et jusqu’au tout début des années 80 les albums à succès et les tournées marathon à travers la planète. Le monde entier découvre une « rock-star » d’un type nouveau : un métis aux longues dreadlocks, adepte de l’église rastafarienne, fumeur d’énormes joints et qui trimballe partout une guitare et un ballon !

Bob Marley Exodus European Tour 1977 Playing football, Credit:Peter Mazel / Avalon<br />Photo by Icon Sport
Bob Marley Exodus European Tour 1977 Playing football, Credit:Peter Mazel / Avalon
Photo by Icon Sport

« Football is freedom »

C’est même pour un magazine de foot, le mensuel français Mondial, que le musicien s’était raconté : « Football is freedom ! Ce qui me plaît dans le football, c’est de laisser libre cours à mon imagination. Il me procure un sentiment de liberté et de créativité. En Jamaïque, je joue tous les jours, plusieurs heures, parfois… Aucune force humaine ne pourrait me retenir de taper une partie ! »

Bob jouait tout le temps, partout, avec ses potes à Kingston, ou pendant les tournées avec ses Wailers : sur le premier terrain venu, en coulisses avant les concerts, sur les parkings, en backstage, dans un hall d’hôtel en Afrique (dixit Dominique Rocheteau !) ou dans des chambres d’hôtel vidées de tout mobilier quand il pleuvait dehors !

Dans sa villa de Hope Road à Kingston, Bob plantait parfois ses musiciens en pleine session d’enregistrement pour aller taper le cuir dans la cour attenante, comme le montrait justement le clip de Could you be loved.

C’est d’ailleurs à la fin de ce morceau que le reggae-man délivre une maxime rasta très sportive qui a guidé sa vie : only the fittest of the fittest shall survive (« seuls les plus affûtés des plus affûtés survivront »). Voilà pourquoi avant chaque tournée, la BMW (Bob Marley & the Wailers) se soumettait pendant des jours à un véritable entraînement de footballeur pro à base de longs footings à la plage et de parties de foot sous l’égide de son ami Alan Skill Cole, footballeur jamaïcain passé autrefois par le FC Santos de Pelé.

Sportif émérite (running, ping-pong et foot), il avait inspiré ces mots à son guitariste, Junior Marvin : « je crois que Bob aurait voulu être footballeur, plus que tout autre chose. Plus même que musicien.» Ce que l’intéressé confirmera implicitement, plus tard : « il m’aurait fallu infiniment plus de temps pour devenir un footballeur de premier plan plutôt que le musicien que je suis devenu aujourd’hui. Si je n’avais pas été musicien, j’aurais été une star du football… ou un révolutionnaire ! »

Son amour pour adidas

Outre sa musique tiers-mondiste militante, il apportera aussi une touche révolutionnaire à son look en déclinant au quotidien tout l’attirail du footballeur : survêtes, maillots… et crampons ! A la manière d’un autre précurseur en la matière, Rod Stewart, Bob a imposé dès les seventies le sportswear dans la music-business. Un gimmick très visuel qui sera à la base du street-fashion des rappeurs US lors de la décennie suivante. Sur scène, les Wailers arborent de superbes vestes de jogging en satin tricolore gold, red & green avec le prénom de chaque musicien brodé sur le cœur !

« On portait des survêtements, des chaussures de sports que Bob avait commandés pour nous, racontait feu Tyrone Downie, son claviériste. Bob se baladait en jogging, allait en boîte en survête : c’était vraiment son mode de vie. Personne avant lui ne sortait en survête ! »

Robert-Nesta portait un fétichisme certain pour la marque Adidas, dont la contraction du mot lui faisait penser à Addis Ababa. C’est le nom anglais de la capitale de l’Ethiopie sur laquelle avait régné de 1930 à 1974 l’Empereur Haïlé Sélassié 1er, considéré comme un dieu vivant par les rastas. La firme Adidas avait d’ailleurs confié à la styliste anglaise d’origine jamaïcaine, Grace Wales Bonner, la conception d’une ligne de survêtements qu’elle présenta en novembre 2020 et qui s’’inspirait des vieux modèles portés par Bob dans les années 70…

L’amour des maillots

Le rastaman raffolait aussi des maillots de foot qu’il collectait à travers ses tournées : celui de Tottenham car il admirait l’Argentin Osvaldo Ardiles, celui de Hambourg offert par Kevin Keegan himself, celui de la Seleção récupéré lors d’un voyage au Brésil et celui de Nantes !

Le 2 juillet 1980, la BMW avait affronté une petite formation nantaise (Rampillon, Baronchelli, Amisse, Michel, Bertrand-Demanes). Ce dernier avait tout raconté à So Foot : « Bob Marley était super sympa, il jouait vraiment pas mal. Son équipe, c’était pas des charlots, ça jouait ! Après le match, il nous avait offert un disque dédicacé. On est même allé dans le car des Wailers… et la fumée, c’était pas de la gitane maïs ! (Rire) Le soir, on a été aussi invités au concert de Bob à Nantes. »

Juste retour des choses, le maillot extérieur du Bohemian FC en 2020 et le maillot third de l’Ajax Amsterdam 2021-22 mettront Bob à l’honneur : avec son effigie pour le club irlandais et avec les couleurs rasta et trois petits oiseaux pour le club hollandais. Normal : Three little birds, grand hit de BMW, est devenu l’hymne de l’Ajax…

Par Chérif Ghemmour

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