Interview
Dylan Charlot : J’ai exactement 463 maillots, estimés et assurés
Dylan possède 463 maillots dans son Musée du Football Philippe Charlot, nommé en hommage à son père.
Dylan Charlot a 28 ans, habite à Reims et s’occupe de football féminin professionnel, en management-communication… Mais surtout, ce grand supporter du Stade de Reims est un immense collectionneur de maillots. Entretien.
Hello Dylan. D’où t’est venue cette passion pour les maillots de football ?
Gamin, j’allais au Stade Auguste Delaune et j’étais fasciné par les maillots. Je trouvais les couleurs de Reims sympa, rouge avec des manches blanches. Mon premier maillot, c’était donc celui de Reims lors d’un déplacement à Laval en 2010, à 11 ans : j’étais dans le parcage et Anthony Weber me l’a offert. J’ai dormi avec ! Après, ça a été la boulimie… Mais avant les maillots, il y a d’abord eu ma passion pour les écharpes que j’échangeais avec des supporters adverses.
Et la suite ?
Je suis supporter abonné depuis 2010-2011. Je faisais les déplacements, mais limités à 5 heures de route. Alors quand j’ai eu le permis de conduire, je suis allé partout, en France et en Europe. Je récoltais toujours les écharpes, et puis j’ai commencé à demander des maillots aux joueurs rémois qui me les donnaient. Le Stade remonte en L1 en 2012-2013, c’est là que j’en ai récolté le plus, ainsi que quelques maillots internationaux : celui du Congo Brazzaville de Prince Onyangué, le Togo de Floyd Ayité ou le Cap Vert de Odaïr Fortes. Avec les premiers départs, les ex-Rémois se retrouvaient dans des nouveaux clubs et j’arrivais à en toucher certains qui m’en refilaient.
Tu avais d’autres moyens d’enrichir ta collection ?
J’ai fait quelques ventes aux enchères locales. Lors de l’une d’elles, j’avais repéré un maillot d’Arsenal porté par Giroud. Il est parti à 450 euros, or moi je ne pouvais aller que jusqu’à 200. En observant un gars au téléphone, j’ai réalisé qu’il était en ligne avec Louis Nicollin. Nicollin avait ses envoyés spéciaux sur certaines ventes en France… Sinon, les brocantes, je ne les fais pas parce que ce n’est pas authentifiable. Reste que j’ai eu le maillot de Stéphane Noro, deTroyes, et le vendeur qui était son cousin me l’a fait pour pas cher : « 5 balles, ça te va ? » Tu parles ! J’ai aussi chopé un Van Buyten du Bayern pour pas cher, 130 euros.
« En observant un gars au téléphone, j’ai réalisé qu’il était en ligne avec Louis Nicollin. Nicollin avait ses envoyés spéciaux sur certaines ventes en France… »
Et à l’étranger ?
J’ai écumé la Belgique, toute proche : Mouscron, Zulte Waregem, Charleroi. J’ai aujourd’hui les maillots de tous les clubs belges. Par la suite, j’ai rencontré un pote, Guillaume et qui bosse beaucoup dans le foot sud-américain. Ca m’a aidé pour les maillots à l’international. Et là, j’arrive à 70 maillots, et ça prend une place de dingue…
… alors vint l’idée d’un musée.
Guillaume m’a mis en contact avec un gars qui bossait à la CONIFA, qui est l’équivalent de la FIFA mais pour des régions indépendantistes : Tibet, Kabylie, etc. Il m’a dégoté des pépites, comme celui du Kazakhstan, 40 euros… Et là, eurêka ! Je me suis mis dans l’idée d’avoir un maillot de chaque état du monde ! Ca a été le déclencheur de l’idée du musée. C’était au moment du décès de mon père en 2017. Il était électricien et la dépendance mitoyenne de notre maison, c’était son atelier : un rez-de-chaussée et un étage. J’y ai installé mon musée baptisé « Musée du Football Philippe Charlot », en son hommage. Il n’aimait pas le football mais il m’a emmené voir mes premiers matchs à Delaune. J’avais 130 maillots et je les ai fait expertiser par un commissaire-priseur avec photos et estimation monétaire. Ils sont donc assurés dans le cadre de l’assurance-habitation. Le rez-de-chaussée du musée est consacré presqu’exclusivement au Stade de Reims et le premier étage, c’est la France et l’International.
Sur quels critères tes maillots entrent officiellement dans ton musée ?
Ce se sont des maillots « ligne pro » : ils doivent avoir été portés ou bien avoir été « préparés », c’est-à-dire réservés à des joueurs remplaçants, ou pas entrés en jeu. Adil Rami qui n’a pas joué une seule minute à la Coupe du monde 2018 avait des « maillots préparés » pour chaque match. Les « maillots préparés » ont quand même une certaine valeur, hein ! Du coup, sont donc exclus tous les maillots de boutique ou d’entrainement. J’en étais à 150 maillots lors de l’inauguration officielle du Musée du 6 décembre 2018, en présence de Mr Caillot, président du Stade de Reims, de notre maire, et de plusieurs médias.
Aujourd’hui, tu en es à combien ?
J’ai exactement 463 maillots, estimés et assurés, dont 142 états sur les 198 reconnus par l’ONU. J’ai aussi 20 états non reconnus par l’ONU, avec des statuts particuliers : Gibraltar est reconnu par la FIFA mais pas par l’ONU, le Soudan-du-Sud n’est pas reconnu par la FIFA mais par la CAF. En me rendant au siège de la FIFA à Zurich, tous les maillots des Etats que cette institution reconnaît sont exposés et classés par ordre alphabétique. Ca m’a permis de photographier tous les maillots existants et de repérer ceux que je n’ai pas.
J’ai ceux du Tadjikistan, Palestine, Ouzbékistan, Kirghizstan, Papouasie-Nouvelle Guinée On m’a proposé l’Île de Guam mais trop cher : 400 euros !
Tu as des maillots vraiment spéciaux, non ?
J’ai un maillot du championnat éphémère de Crimée, celui du club de Bakhchisaray FC. C’est un intermédiaire russe, Vlad, qui me fournit les maillots de Russie. Il me l’a envoyé par la poste pour 30 euros ainsi que deux maillots du Zénith St-Petersbourg. J’ai quelques maillots de Sebastiàn « Loco » Abreu, l’attaquant globe-trotter uruguayen. Le gars a fait 31 clubs dans sa carrière, record mondial ! J’ai son maillot du club brésilien d’Athletic Club, avec un petit drapeau de l’Uruguay au dos : exceptionnel ! J’ai aussi son maillot du club uruguayen de l’Atletico Boston River. Celui-là est unique puisque sur l’avant, il y a sa signature imprimée ainsi que la mention du Guinness Record qui certifie que c’était alors le 28ème club de sa carrière, record mondial battu ! J’ai surtout son maillot d’un club du Salvador, le Santa Tecla FC, qui a une histoire… Abreu a toujours joué avec le numéro 13 et c’est avec ce numéro qu’il avait posé en arrivant au Salvador. Or, là-bas le 13 est une référence au sinistre MS13, une organisation mafieuse de narcotrafiquants hondurienne détestée au Salvador. Abreu a donc dû opter pour le numéro 22 : c’est cette tunique que je possède. J’ai aussi le maillot de la Lybie porté par Saadi Kadhafi contre l’Argentine en match amical en 2003. Un piètre footballeur, fils de Muammar, pourtant passé par la Serie A ! J’ai ceux du Tadjikistan, Palestine, Ouzbékistan, Kirghizstan, un club fidjien, Papouasie-Nouvelle Guinée On m’a proposé l’Île de Guam mais trop cher : 400 euros ! J’ai aussi quelques maillots de foot féminin, presque 6% de ma collection.
Et l’équipe de France ?
Je n’ai pas ! Mais j’ai un maillot de l’Atletico de Madrid de Griezmann ou celui de Villarreal porté par Robert Pires. J’ai enfin tous les maillots de la carrière de Marvin Martin, c’est un ami. Un acheteur X m’avait proposé son maillot de l’équipe de France. Pour certification, j’en avais parlé à Marvin qui s’est mis en colère : ce maillot, il le lui avait offert de bon cœur ! Je lui ai filé le contact de ce X et en se retrouvant face à Marvin, il le lui a rendu. Marvin est content : c’est le seul maillot des Bleus qu’il possède à ce jour, mais qui m’est passé sous le nez… J’ai le maillot de l’Angleterre porté par Delle Ali contre la Turquie en amical. Ca, c’est par un contact, un intendant des stades d’Istanbul, qui me l’avait procuré pour 100 euros environ. Il vaut plus que ça ! Par cet intendant, j’ai pu avoir le maillot de Manchester United porté par Anthony Martial en C3 contre Fenerbahce, 120-130 euros. Autres pays : la Côte d’Ivoire, porté par Serge Aurier, l’Egypte, de Mahmoud Trezeguet et le Maroc, celui de Gharib Amzine. Il me l’a dédicacé – un maillot dédicacé prend plus de valeur. Il a voulu me le racheter, vu qu’il n’avait gardé aucun de ses maillots du Maroc. Mais, non ! (Rires). Mon autre club de cœur, hors Reims, c’est le Bayern : alors j’ai ceux de Salihamidžić, de Van Buyten et celui de Ribéry porté en C1 et qui m’a coûté le plus cher.
Ton musée est-il ouvert au public ?
Comme c’est une collection privée, non. Pour des raisons évidentes de sécurité. Une visite, c’est juste sur demande et de façon discrète. Pour ne pas attirer les cambrioleurs… J’ai un pote qui possédait un maillot de Mbappé, il l’a mis en photo sur Insta et il s’est fait cambrioler, maillot disparu ! Les vrais collectionneurs ne s’exposent pas. Même moi, je refuse la plupart des interviews. Il y a des trafics dingues autour des maillots de football ! Le plus choquant, ce sont les mômes dans les stades avec leur petit panneau pour demander le maillot à tel joueur : souvent, ce sont les parents qui sont derrière pour le revendre sur Vinted, Leboncoin … C’est aussi pour ça que les joueurs ne les refilent plus.
Le plus choquant, ce sont les mômes dans les stades avec leur petit panneau pour demander le maillot à tel joueur : souvent, ce sont les parents qui sont derrière pour le revendre sur Vinted, Leboncoin
Un dernier mot ?
Le défenseur brésilien Henrique Da Silva Gomes (Reims 2006-2008), qui m’a filé plein de maillots, est venu au musée et il m’a dit : « Je suis content que mon maillot soit là. En le voyant ici, je suis devenu immortel. C’est ça qui me fait le plus plaisir. Grâce à toi, on ne m’oubliera pas. »