Histoires de maillots
Nous sommes le 5 décembre 1954. Au stadio Olimpico, l’Italie reçoit l’Argentine en match amical. Pour la première fois de leur histoire, les Azzurri débarquent sur la pelouse dans une inédite tunique vert foncé. Les Italiens s’imposent 2-0 sur des buts de Frignani et Galli.
Il s’agira d’une exception historique, puisque plus jamais l’équipe A ne se présentera en vert, cette couleur devenant par la suite celle de la Nazionale des jeunes. Il aura donc fallu attendre jusqu’au 12 octobre 2019, et la réception de la Grèce en éliminatoires de l’Euro 2020, pour voir à nouveau l’Italie « des grands » se parer de vert. 65 ans après. Et ce sera encore au stadio Olimpico.
Vintage et moderne
Mais alors, pourquoi donc ce vert ? Puma, l’investigateur de ce maillot, a donné son explication marketing : la marque a voulu « mettre en avant la jeunesse et la renaissance de l’équipe italienne » . En effet, entre les années 1950 et 1960, ce sont les jeunes Italiens, la bien-nommée selezione Juniores, qui évoluent en vert. Or, comme la Nazionale version 2019 de Roberto Mancini compte dans ses rangs de nombreux jeunes, symboles de nouveau cycle et de renouveau, l’équipementier allemand a eu comme idée de ressortir le vert, couleur associée sportivement et historiquement à la jeunesse. Puma a également ajouté des détails sur le maillot : des motifs géométriques censés rappeler les formes architecturales de la Renaissance, période phare de l’histoire italienne. Ainsi, en principe, le maillot se veut un hommage au passé, couplé à une ouverture vers l’avenir. Vintage et moderne, en somme. Suffisant pour convaincre les Italiens ? Pas vraiment. À en croire les réactions sur les réseaux sociaux, les tifosi se montrent globalement contre ce choix ce couleur, l’argument revenant le plus souvent étant qu’il « ne représente en rien l’Italie » et qu’il « ne respecte pas l’histoire » . Ah, vraiment ?
Les cocardes des manifestants bolonais
Alors, d’où vient véritablement ce vert ? Dans son histoire, la Nazionale azzurra a été associée à trois couleurs : le blanc lors de ses premières années d’existence, le noir lors de l’entre-deux-guerres (sur volonté de Mussolini), et, évidemment, le bleu de Savoie. Le vert n’a, pour sa part, effectivement jamais été utilisé pour l’équipe de football, hormis lors de cet amical de 1954. Pourtant, il serait erroné de dire que le vert n’a aucun lien avec l’histoire italienne. Il suffit de jeter un œil au drapeau italien, le vert étant l’une des trois couleurs qui le composent. Un drapeau né en 1794, quand deux étudiants de Bologne, Giovanni Battista De Rolandis et Luigi Zamboni, se soulèvent contre le pouvoir absolutiste en place depuis 200 ans. Trois couleurs, symboles de justice, égalité et fraternité, apparaissent alors sur les cocardes des manifestants bolonais : le vert, le blanc et le rouge. Couleurs validées en 1796 par Napoléon, à Milan, qui remet ainsi à la Garde civique, la Légion lombarde et la Garde nationale des uniformes à rayures vertes, rouges et blanches. Et le 28 octobre 1796, le Sénat de Bologne décrète l’adoption d’un drapeau tricolore vert, blanc et rouge.
Les tifosi italiens auront donc beau critiquer ce choix stylistique, en affirmant que le maillot de l’Italie est « bleu et rien d’autre » , c’est bien une couleur historique italienne que la Nazionale arborera ce samedi. En vert et contre tous.