Exit l’écureuil ! La sélection béninoise a adopté le guépard comme emblème. Un choix dicté à la fois par un orgueil national désireux de montrer les crocs plutôt que de croquer des noisettes et par un marketing animalier censé sublimer ses footballeurs.

Chérif Ghemmour

L’ambitieux Nicolas Fouquet, ministre des finances de Louis XIV, avait adopté le symbole de l’écureuil avec sa devise ascendante (« Jusqu’où ne montera-t-il pas ? »). Disgracié, il tomba de haut, fut jeté en prison pour détournements où il périt en 1680. L’équipe du Bénin a, elle, abandonné la symbolique de l’écureuil. Mais pour mieux renaître…

Grimper au sommet du foot africain…

Quand le premier président de la fédé, Norbert Imbs (1970-1973) fait adopter le surnom des « Ecureuils » à la sélection nationale, le pays s’appelle encore le Dahomey, ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest devenue indépendante en 1960. On raconte que le bon Nobert avait choisi les Ecureuils car, selon lui, « ceux-ci sont certes de petite corpulence mais dégourdis, habiles et rapides, narrait France 24 en 2022. Bref, des animaux peu imposants, mais capables de grimper haut dans la hiérarchie du football africain ». Une idée d’élévation, donc, plutôt que celle de la puissance. Et puis tout change ! Avec l’arrivée au pouvoir en 1972 du marxiste-léniniste Mathieu Kérékou, l’équipe nationale est rebaptisée l’Etoile Rouge du Bénin, précédant le changement de nom du pays devenu effectif en 1975, la République du Bénin chassant l’ancien nom Dahomey. Cette Etoile Rouge, certainement inspirée de la Black Star du Ghana, nation phare de l’Africanisme des années 60, faisait aussi référence au Socialisme (cf. L’Etoile Rouge de Belgrade), idéologie très en vogue dans l’Afrique décolonisée. L’Etoile Rouge s’est éteinte en 1990 avec le retour des Ecureuils, à nouveau animal fétiche de la sélection béninoise. Mais au pays et dans la diaspora, périodiquement, un sentiment diffus pareil à un complexe d’infériorité persiste avec le petit rongeur roux.

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Tout d’abord parce que jusqu’à 2018 le Bénin ne s’est jamais qualifié pour la Coupe du monde et qu’à la CAN, compétition-reine du continent, il n’y avait participé que trois fois pour trois éliminations sèches au premier tour (2004, 2008, 2010). Et puis, surtout, avec l’importance grandissante de cette même CAN à partir des années 2010, l’image du gentil petit écureuil souffrait de la comparaison avec le bestiaire beaucoup plus redoutable du football continental, avec ses Lions (Maroc, Cameroun, Sénégal), ses Aigles (Mali, Tunisie) ou ses Eléphants (Côte d’Ivoire, Guinée). A l’ère moderne du marketing du football africain où le fétiche de chaque nation est magnifié par les marques de sports (Airness, Puma, Adidas, Nike) qui projettent des super pouvoirs à chaque animal national, communiquer sur « la force » de l’écureuil relevait aussi de la gageure. En un mot comme en mille : les Ecureuils, ça ne fait peur à personne ! Et depuis les années 1970, ce surnom a souvent été source de taquineries et de moqueries.

En 2008, la fédé béninoise avait ainsi songé à rebaptiser la sélection, sans résultat. Elle remet le couvert en 2018, soucieuse de « viriliser » l’image des athlètes nationaux par un nom vanté comme «plus accrocheur», rapporte Jeune Afrique en février 2023. Après tout, entre 1997 et 2006, les Léopards de RDC furent surnommés les Simba (le lion en swahili) et en 2000, le Gabon avait changé de surnom, passant du « National Azingo » (cf. le Lac Azingo) aux « Panthères »…

Pythons et Dragons Noirs recalés !

En 2018, donc, la fédé béninoise souhaite faire émerger « un surnom qui doit faire écho auprès de la population et refléter nos fortes ambitions dans le monde du sport.» En novembre 2018, le grand footballeur béninois Steve Mounié entre aussitôt dans ce débat participatif en suggérant à la BBC le python, « qui est comme un symbole au pays. Il y a un temple du python au Bénin, une grande culture autour de ce serpent. » Mais la proposition de Steve n’est pas retenue. Le temps passe et malgré une CAN 2019 réussie par des Ecureuils parvenus cette fois en quarts (0-1 contre le Sénégal, futur finaliste), le double échec de 2021 aux qualifications à la CAN puis au Mondial, sonne l’alarme : le changement, c’est maintenant !

Pourquoi le Bénin a choisi le guépard plutôt que l'écureuil

En février 2022, le comité exécutif de la FBF (Fédération nationale de Football du Bénin) initie le processus de changement de surnom, soulignant qu’il voulait qu’il soit « évocateur et respectable ». Bref : que ça fasse peur, que ça impressionne l’adversaire ! Alors va pour une nouvelle appellation, terrifiante : les « Dragons noirs ». Mais, cette suggestion est vite abandonnée. Mathurin de Chacus, réélu président de la Fédé, annonce le jour de son intronisation, le 20 août 2022 : « le surnom d’Écureuils appartient au passé. À partir de maintenant, nos footballeurs s’appelleront les Guépards. »

L’appellation officielle actée le 17 février 2023 a de quoi satisfaire la fierté béninoise : le guépard, fauve noble et redoutable chasseur, est l’animal terrestre le plus rapide au monde, doté d’une vitesse de pointe maximale de 112 km/h ! Un cours de zoologie express s’impose quant à la comparaison avec le léopard, animal fétiche de la RD Congo. « Ils se ressemblent mais les taches du guépard sont des points noirs tandis que celles du léopard ne sont pas remplies à l’intérieur, comme le professe TF1.infos/Sciences reprenant Futura Sciences. Le guépard est plus élancé, plus haut, avec un corps adapté à la vitesse, alors que le léopard est plus trapu et plus imposant, ce qui lui permet de grimper aux arbres pour y cacher ses proies. Le premier possède une ligne noire le long de chaque œil. Enfin, le léopard rugit alors que le guépard miaule ».

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Le nouveau nom de baptême non étendu aux Féminines, devenues désormais les « Amazones du Bénin », du nom des guerrières historiques du royaume du Danxomè, a reçu un accueil plus lucide qu’enthousiaste de la part des supporters : comme si la référence à un félin suffisait à bondir au classement FIFA… Avec le successeur du Français Michel Dussuyer, Gernot Rohr nommé sélectionneur le 14 février 2023, les joueurs béninois ont plutôt bien surfé sur la « dynamique Guépards » avec une qualification à la CAN 2025. Les débuts réussis des éliminatoires à la Coupe du Monde 2026 avaient même levé une vague d’espoir énorme avant que les Béninois ne finissent que troisièmes de leur poule, derrière l’Afrique du Sud et le Nigéria, passé à la différence de buts plus favorable… Comme quoi, les guépards doivent aussi se faire un peu les dents…

Chérif Ghemmour

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