Chez Sillona, on a la même passion, mais pas les mêmes maillots. Fondée en 2018, cette petite entreprise parisienne équipe plus de 150 clubs dans l’Hexagone avec des maillots 100% recyclés, et recyclables. 

Adrien Hémard-Dohain

Retraité du commerce et du marketing, Yvon Prigent est un Breton exilé dans les Yvelines, et le père d’une marque comme on en voit de plus en plus : Sillona. À l’heure où la transition écologique s’invite dans tous les domaines de la société, le football se met lui aussi au vert.

Ainsi, ce petit équipementier basé à Paris propose depuis 2018 des maillots composés à 100% de matières recyclées, principalement issues des poubelles jaunes. Il fallait bien un Breton pour jeter cette folle bouteille à la mer.

Sillona, les maillots vraiment verts

Des maillots tissés à base de matières recyclées

« Je ne suis pas un militant écologiste », lance pourtant Yvon Prigent, qui « préfère les actions du quotidien aux grands discours ». C’est ainsi qu’après sa prise de conscience écologiste des années 1990, cet ancien cadre dans le commerce a changé ses habitudes : tri sélectif, lutte contre le gaspillage, priorité au train plutôt qu’à la voiture et l’avion…

Ce n’est qu’ensuite que le Breton est passé à l’action : « Je me suis demandé comment aider, sensibiliser le plus grand monde au sentiment écologique. C’est un engagement personnel, par l’action et les gestes plus que par le fait de militer ». En 2018, Yvon reprend donc un concept qu’il avait découvert au début des années 2000.

À cette époque, c’est un autre Breton, dont il a oublié le nom, qui vendait des maillots tissés à base de matières recyclées : « J’ai encore l’image de son premier maillot qui représentait un drapeau breton… Tous ceux qui disent qu’ils sont les premiers à le faire aujourd’hui, ce sont des menteurs. Le problème, c’est qu’il faisait fabriquer en France, donc les coûts étaient trop élevés. Et la société n’était pas aussi sensibilisée à ces enjeux qu’aujourd’hui… »

Sillona, les maillots vraiment verts

D’abord sensibiliser les licenciés

Après le titre de champion du monde des Bleus en Russie, Yvon s’entoure donc de deux acolytes, dont un banquier, pour lancer son entreprise. L’idée de base : intervenir dans des clubs amateurs, sensibiliser les licenciés de tous âges à la collecte et au tri des déchets, puis leur fournir des maillots.

« On a mis en place un réseau de collecte dans les clubs, par exemple au Paris Saint-Germain. L’objectif c’était de se faire connaître et de bien initier les jeunes. Un jour, un élu écolo nous a expliqué que ce n’était pas légal, parce que seules les communautés de communes peuvent ramasser les déchets. On avait travaillé entre six mois et un an pour rien », raconte Yvon.

Sillona, les maillots vraiment verts

Aujourd’hui, l’équipementier récupère du tissu à la fin d’une longue chaîne de recyclage : « Les entreprises spécialisées dans la collecte de déchets revendent à des sous-traitants pour recycler. Nous, on achète du tissu qui provient de ces bouteilles. Elles sont broyées en copeaux, qui sont ensuite nettoyés, puis chauffés à près de 200°C. Là, ils sont transformés en spaghettis, chacun étant ensuite découpé en tranche de 3 mm pour en faire des granulés, puis du fil et enfin en tissu. »

Le sujet de l’empreinte carbone

Ce processus de fabrication est détaillé aux jeunes licenciés des clubs équipés par la marque, lors d’un module de 30 minutes proposé par Sillona. « On leur explique ainsi que leurs maillots sont intégralement en matières recyclées, essentiellement des bouteilles en plastiques et du polyester ».

Reste toutefois le sujet de l’empreinte carbone, pour ces maillots qui font le tour de la Méditerranée avant d’être vendus en France : « Mais notre empreinte carbone ne représente rien comparé aux maillots venus d’Asie et pas recyclés. Si on le faisait en France, ce serait trop cher et les clubs ne pourraient pas acheter », se défend Yvon Prigent.

Or, quand on boxe contre Nike, Adidas ou Puma, qui offrent volontiers des dotations aux clubs amateurs, difficile de lutter à armes égales.

A l’unité, le maillot Sillona est d’ailleurs plus cher que ceux de ces géants, reconnait Yvon Prigent, sans donner le montant : « Mais on est moins chers au final, parce qu’on est 100% personnalisables, contrairement à eux. Et sans flocage : nous c’est imprimé dessus, donc ça s’abîme moins. Et on fait tout de A à Z, contrairement aux grandes marques qui envoient le maillot, que les clubs font floquer ailleurs ensuite. »

Des tricots 100% personnalisables

Sillona propose en parallèle une gamme de produit lifestyle personnalisables aux couleurs des clubs, en plus de la centaine de designs disponibles pour les maillots de matchs. Avec une flotte de 150 clubs, le petit équipementier écolo s’en sort bien, malgré la concurrence déloyale de « certains concurrents qui vendent à perte pour monopoliser le marché », dénonce Prigent.

Sillona, les maillots vraiment verts

Toujours est-il que Sillona parvient à faire vivre un de ses trois fondateurs à temps plein, preuve que porter un maillot issus de déchets recyclés ne rebute plus vraiment. « On ne parle pas de poubelles avec les clubs (rires). La question souvent posée, c’est sur la solidité. Oui, c’est aussi solide que du polyester traditionnel. La grande différence, c’est que là on ne passe pas par de la pétrochimie, tout ce qu’on fait est mécanique et ça consomme beaucoup moins d’énergie », rassure Yvon Prigent, avant d’annoncer le prochain catalogue du produit : un ballon écolo, 100% recyclé.

De quoi voir moins de déchets dans les frappes ?

Adrien Hémard-Dohain

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