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Maillots de foot et politique font-ils bon ménage ?
"Il ne faut pas politiser le sport", avait déclaré le président de la République Emmanuel Macron au sujet de la Coupe du monde au Qatar. Seul petit problème : comment le foot, qu’il s’incarne dans un club ou une sélection nationale, pourrait-il échapper au poids de son histoire et à l’inévitable processus de récupération ou, plus noblement, d’appropriation ? Le maillot peut dès lors, légitimement ou non, servir à indiquer, plus ou moins subtilement, son positionnement ou ses convictions. Voici quelques exemples...
Un classique désormais en France, ou tout du moins en région parisienne, parfois quitte à agacer les plus anciens supporters et véritables fidèles du club audonien. Peu importe que le nom soit surtout le fruit de l’anglophilie de la bourgeoisie française à la fin du XIXᵉ siècle, dont son fondateur Jules Rimet était un digne représentant. Peu importe aussi le nom des sponsors sur son maillot vert ou qui possède désormais véritablement cette vénérable institution. Le Red Star conserve tous les signes distinctifs du club « de gauche » : banlieue populaire et ex-ceintures rouges, un passé glorieux, des héros de l’antifascisme (cf. Rino Della Negra), et désormais un kop qui, lui, ne cultive aucune ambiguïté envers le racisme et l’extrême droite… Les tenants du canal historique pourront toujours s’amuser à le floquer au nom de Xavier Pérez, gardien de but entre 1976 et 1987, et gendre de Georges Marchais.

Le classique. Sankt Pauli, béni de son identité subversive, son ancrage dans un quartier chaud d’Hambourg, sa gloire passée en Bundesliga, une aura punk, et un réel sens de la com… Son maillot est clairement incontournable dans la collection du militant de gauche qui veut prouver qu’il s’y connaît en foot. Pour les exigeants qui ont un peu fouiné sur le net, privilégier celui avec l’inscription « Kein Fussball den Faschisten » (« Pas de football pour les fascistes ») lors d’un match en 2016. Les slogans claquent toujours davantage dans la langue de Marx.

Parmi les anciennes démocraties populaires disparues après la chute du mur, la RDA occupe une place à part, à l’instar, pour d’autres raisons, de la Yougoslavie : elle n’existe plus. Et en plus de sa dimension collector, son maillot possède tous les attraits du parfait camouflage, mélangeant une bonne dose d’Ostalgie (le « c’était mieux avant, même une dictature », version LFI ou PCF) et un unique parfum de Mannschaft. Peu de gens peuvent le reconnaître au premier coup d’œil (le sigle DDR et l’absence d’étoile ou de faucille et marteau), sauf peut-être quelques quinquas ou plus âgés qui se souviendront à quel point cette équipe pouvait gâcher les phases qualificatives des Bleus (une seule victoire en six confrontations).

Depuis que Gaza est devenu, sous le feu israélien, un enfer à ciel ouvert, après les massacres du Hamas le 7 octobre, le maillot de l’équipe de foot de la Palestine, ou de toutes les équipes palestiniennes, représente un puissant signe extérieur de solidarité. Il n’est pas inutile de rappeler que depuis toujours le foot constitue un terrain d’expression des aspirations indépendantistes des pays colonisés (l’équipe du FLNC, et d’ailleurs aujourd’hui la tenue des fenecs de l’Algérie conserve cette puissance d’affirmation). Eric Cantona avait porté le maillot créé pour l’équipe du camp de réfugiés Aida, et même Greta Thunberg n’a pas hésité à endosser celui édité par les Irlandais du Bohemian FC (en solidarité avec la Palestine). Petite variante : celui du CD Palestino, au Chili.

Un flocage peut faire toute la différence. Au-delà de la nature éternellement iconique du jaune de la Seleção, inscrire le nom de Sócrates renvoie fortement à l’engagement du grand frère de Rai contre la dictature des militaires à travers l’expérience des Corinthians (moins reconnaissable cependant pour le quidam en manifestation ou dans un concert de Manu Chao).

Petit club amateur installé sur la commune minière de Saint-Benoît-de-Carmaux, dans « une démarche au croisement de l’histoire ouvrière, de la généalogie sociale et du sport populaire dans la commune de Fontgrande. » Récemment, le Spartak Fontgrande s’est associé au Partizan Tolosa et au BLS 31 pour aider le Secours Populaire de Carmaux. Et il a même remporté le Trophée Rino Della Negra disputé contre le Spartak Arlésien, Asteras Montpellier, le Football du Peuple Montpellier et le BLS 31 Toulouse. Un maillot authentique qui fera écho au geste de François Ruffin, qui était monté en fin de matinée à la tribune de l’Assemblée avec le maillot vert de l’Olympique Eaucourt, afin d’alerter sur la situation difficile du monde amateur.

Attention, sujet sensible. La Lazio traîne effectivement une sale réputation, surtout en raison du fascisme assumé de ses ultras les plus radicaux, les Irriducibili (ils ne sont pas, ceci dit, les seuls dans les tribunes italiennes). Pour nuancer, Livio Maitan, grand leader trotskiste italien des années 70, en était un supporter inconditionnel, au point de quitter les réunions de la Quatrième Internationale pour aller regarder les matchs. Toutefois, l’image de la Lazio reste fortement accolée à la nostalgie du régime de Mussolini, son aigle au-dessus du logo ou un éventuel third intégralement noir (comme les chemises) participent à entretenir cette ambiguïté.

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