Entretien
Des protège-tibias de la taille d’une chips, ça ne protège rien
Mi-novembre, Riley Martin (17 ans) a subi une double fracture de la jambe sur une pelouse du sud de l'Angleterre. Le joueur d'Ilfracombe Town (10e division) portait des protège-tibias minimalistes mais de plus en plus utilisés, mesurant 9x3 centimètres. Un modèle adapté aux enfants, beaucoup moins aux morphologies des adultes. Choqué par l’événement, le président du club, Nick Jupp, milite désormais pour l’interdiction de ces mini protège-tibias.
Comment avez-vous vécu cette journée du 15 novembre, quand Riley Martin a subi cette blessure ?
C’était bouleversant. J’avais déjà vu des blessures sérieuses mais rien de comparable avec ça. Le bruit du contact, la réaction immédiate de Riley… C’était horrible. Je ne souhaite à personne de vivre une telle expérience, c’est vraiment traumatisant. Beaucoup de joueurs, y compris dans l’équipe adverse, Bridport, ne pouvaient physiquement pas rester sur la pelouse et voir l’état de la jambe de Riley. Certains étaient en pleurs dans les vestiaires. Les arbitres étaient eux aussi affectés émotionnellement. C’est pour ça que le match n’a pas repris.
Jack Hinshelwood using his AirPods as shin pads against Arsenal today pic.twitter.com/wHJvJqcH37
— ODDSbible (@ODDSbible) December 17, 2023
Et cet incident vous a poussé à vous interroger sur la taille des protège-tibias…
Exactement. On a cinq ou six joueurs qui portaient ce genre de modèle. On a parlé du sujet. Ils regardent les stars de la Premier League et du monde entier, les plus jeunes veulent copier les pros, c’est normal. Certains m’ont aussi dit que c’était plus confortable, qu’ils peuvent mieux maîtriser le ballon avec ces protège-tibias. Mais cela induit une part de risque, comme on l’a vu avec Riley.
Jack Grealish fait partie de ces modèles, par exemple ?
C’est vrai que beaucoup veulent copier Jack Grealish, mais ils prennent des risques pour leur sécurité. Ces mini protège-tibias n’offrent pas une protection suffisante. Ils doivent comprendre une chose que la sécurité passe avant la mode. Ressembler à son joueur préféré, ça ne peut pas être la priorité.
Jack Grealish's shin pads are certainly high tech! #BBCFootball #UCL pic.twitter.com/OrObNQxXcC
— Match of the Day (@BBCMOTD) April 17, 2024
Vos joueurs n’avaient pas conscience des risques ?
Non, ils n’y pensaient pas vraiment. Maintenant, ils comprennent. On a discuté du sujet avec les dirigeants, les entraîneurs, les joueurs : tout le monde était d’accord sur le principe d’interdire ces protège-tibias dans toutes les catégories au sein de notre club. Ça a fait l’unanimité. Regardez Riley : il a une bourse de football avec une école locale et il ne va pas pouvoir jouer pendant un an. Il devra suivre une longue rééducation, et peut-être faire l’objet d’un suivi psychologique. Je ne dis pas qu’il n’aurait pas été blessé s’il avait porté des protège-tibias normaux, mais il faut être attentif à la protection de nos joueurs, particulièrement au niveau non-league (toutes les divisions inférieures à la League Two, ndlr).
En tant que dirigeant, vous étiez conscient que la taille des protège-tibias pouvait devenir un sujet ?
Honnêtement, je n’avais pas ça à l’esprit. En tant que président, il y a beaucoup de choses à gérer. Je suis président depuis un an et demi seulement, je suis toujours en phase d’apprentissage. On fait confiance aux joueurs pour qu’ils entrent sur le terrain avec l’équipement approprié. Maintenant, quand vous assistez à une telle blessure, ça vous marque. Ces mini protège-tibias ne sont pas plus grand qu’une chips Pringles ou qu’une carte bancaire, ils ne protègent rien… Je ne dis pas que cela évitera toute blessure, mais les joueurs doivent réaliser qu’à notre niveau, nous n’avons pas un staff médical de 20 personnes.
Des dizaines de clubs ont suivi votre exemple en interdisant complètement ce type de protège-tibias dans le pays. Vous avez été surpris de cette réaction ?
Oh oui ! Quand on a communiqué, je n’imaginais pas que cela générerait une telle réponse. Je suis très reconnaissant envers tous ces clubs, qui comprennent notre réflexion. Cela concerne majoritairement les catégories jeunes, mais on voit aussi que cette interdiction se propage aussi dans des équipes seniors. C’est fantastique. Des clubs de tous le pays nous ont rejoints, et ça a même gagné l’Irlande du Nord : des clubs locaux ont décidé de suivre cette décision, c’est génial. Cela fait parler, cela nourrit les réflexions.
Qu’est-ce que vous espérez désormais ?
Une réponse de la part des championnats, des comtés et, au niveau national, de la FA. Il faut changer les règlements. Vous ne pouvez pas dire « vous devez avoir la protection adéquate » mais laisser aux clubs, aux joueurs ou aux parents de décider de quelle taille sont les protège-tibias. J’espère que cela deviendra un sujet national, que notre voix sera entendue, que la FA et les responsables nous aideront. J’espère aussi que la discussion pourra dépasser les frontières.
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