Depuis bientôt six ans, Retro Football Gang s’est imposé comme la référence des tee-shirts nineties, mêlant l’univers du hip-hop et du football. À la tête de RFG, Nathan Augubeau, fan irréductible de l’Olympique Lyonnais mais surtout de ballon rond et de rap.

Propos recueillis par Tristan Pubert / Photo : RFG

C’est quoi Retro Football Gang ?

C’est une marque inspirée par les années 90, la culture hip-hop et le football. L’objectif est de rendre hommage à ces trois univers, surtout celui du ballon rond. Mon inspiration au niveau des designs s’inspire énormément de l’époque des Nineties et notamment du merchandising des rappeurs de l’époque. À la base, mon but était de rendre hommage aux joueurs de cette époque, mais désormais, je ne me limite pas aux années 90 et je veux rendre un hommage finalement au meilleur du football.

Tes premiers tee-shirts étaient des hommages à des punchlines de rappeurs sur le football. Pourquoi ce choix ?

Il y a énormément de passerelles et de connexions entre les deux univers. Je trouvais que certaines tournures de phrases et de punchlines étaient intéressantes. Les rappeurs vouent un certain fantasme aux footballeurs et leur rendaient hommage à travers des morceaux. Je trouvais ça cool et c’était ma façon de rendre hommage à mes deux passions.

Le football et le rap sont deux milieux intimement liés. C’était facile de créer une marque en rapport avec ces deux univers ?

Forcément ! Surtout que j’ai baigné dans ces deux cultures, à travers notamment l’une de mes grandes sœurs qui me faisait écouter beaucoup de CD de rap et également mon père, qui travaillait dans une radio. Je suis un mordu de football et de rap depuis gamin donc c’était facile pour moi de les combiner. Le football et le rap se mélangent très souvent, les footballeurs kiffent les rappeurs et vice versa. Je trouve aussi que beaucoup de morceaux ou de punchlines de rap définissent la carrière d’un joueur. Je pense par exemple au son Jeunes, coupables et libres des X-Men qui fait écho à la génération 87 avec les Nasri, Benzema et Ben Arfa. Et c’est ce qui m’a inspiré pour en faire un tee-shirt.

Le football et le rap se mélangent très souvent, les footballeurs kiffent les rappeurs et vice versa.

Nathan Augubeau

Tu es un adepte du Kitsch Design qui se ressent énormément dans les produits RFG.

C’est drôle parce que dans les années 90, on avait honte de porter ce type de tee-shirts avec des visuels très colorés et un style faux-beau (rires). Cette esthétique nous ramène à notre enfance et j’avais envie de la remettre au goût du jour. Et je pense que cette nostalgie fonctionne avec de nombreuses personnes de ma génération.

"Camavinga a voulu un t-shirt personnalisé pour toute sa famille"

Justement, comment se passe le processus créatif ? Pourquoi choisir tel joueur ou tel club ?

Il faut savoir que RFG s’articule sur trois gammes. La première qui est un crossover entre le football et le rap, la seconde où je vais réutiliser des produits, comme des maillots, pour créer de nouvelles pièces et enfin la troisième gamme, qui est la plus importante, sont les tee-shirts qui rendent hommage aux joueurs. Pour ce qui est de cette troisième gamme, l’idée me vient naturellement. Je me renseigne ensuite sur le joueur ou bien le club pour avoir des informations nichées que je peux illustrer ensuite sur le tee-shirt, que ce soit des photos insolites ou des moments iconiques. Au niveau de la typographie ou des couleurs, je m’adapte en fonction du club où est passé le joueur en question. Pour un Roy Keane, la typographie sera plus rock’n roll. Je cherche à m’adapter aux codes visuels de l’époque pour faire quelque chose de pertinent et surtout d’unique. C’est super passionnant, car quand je me lance dans la création d’un produit, je ne sais jamais vraiment quel sera le rendu final.

C’est super passionnant, car quand je me lance dans la création d’un produit, je ne sais jamais vraiment quel sera le rendu final.

Depuis plusieurs années, les produits rétro sont devenus tendances et notamment les tee-shirts dans le même ADN que le tien. Comment fais-tu pour te démarquer des autres ?

J’essaye de parler à tout le monde et de m’adapter constamment. Je peux aussi bien faire un tee-shirt sur Ronaldo que sur Wilfred Agbonavbare (gardien nigérian du Rayo Vallecano dans les années 90, NDLR). L’objectif avec Retro Football Gang est de mettre en lumière aussi bien les grands joueurs que les moins connus. Et je pense, c’est ce qui fait la différence, il y en a pour tout le monde. Je reste identifié football, cela me permet de garder une certaine cohérence, là où certains ont voulu proposer des produits aussi bien sûr Travis Scott que sur Ronaldinho.

Il y a dix ans, porter un maillot de football ou un survêtement avait une connotation négative. Aujourd’hui, l’habit de football et de sport est devenu très tendance. Pourquoi ?

Je trouve qu’il y a une grosse appropriation culturelle, notamment des marques de streetwear ou de luxe. Ils reprennent les codes des maillots de football parce que c’est à la mode et c’est quelque chose sur laquelle j’aurai pu faire mais cela aurait été opportuniste. Une fois que le style football ne sera plus tendance, ils passeront à autre chose. Depuis un an, on va dire que beaucoup de gens qui ne connaissent rien au football portent des maillots parce que c’est à la mode. Et forcément, beaucoup de marques surfent sur ça.

Depuis un an, on va dire que beaucoup de gens qui ne connaissent rien au football portent des maillots parce que c’est à la mode. Et forcément, beaucoup de marques surfent sur ça.

Mais pas Retro Football Gang ?

Non, je n’ai pas envie de faire ça, j’ai mon identité. Recopier le style maillot de football pour revendre la pièce dix fois plus chère, ça ne m’intéresse pas. Je n’ai pas envie d’aller dans la facilité, je préférerais proposer des maillots de football originaux, par exemple pour rendre hommage à un album ou un artiste, comme Ateyaba ou Alpha Wann, qui ont une véritable identité. Je cherche toujours à faire des choses par passion et non pas par opportunisme. Une punchline de Limsa D’Aulnay résume d’ailleurs très bien mon état d’esprit : « On l’a toujours fait par passion, eux, le font par mimétisme. »

Au départ, RFG proposait exclusivement des produits en hommage aux joueurs des années 90. Mais peu à peu, tu t’es diversifié avec notamment des tee-shirts à l’effigie de joueurs plus récents comme Vinicius, Benzema ou même des rappeurs comme JUL. Pourquoi ce choix ?

J’avais une volonté de rajeunir la cible et aussi de démocratiser le style à Retro Football Gang pour toutes les tranches d’âge. Étant donné que ce style Nineties est redevenu tendance ces dernières années, je reçois énormément de messages de jeunes qui me demandent de faire des tee-shirts sur Mbappé, Saka, Griezmann ou Osimhen. C’était logique de proposer des produits sur des joueurs plus récents. Les jeunes de 15-20 ans sont plus amenés à acheter des tee-shirts que des personnes de 45 ans. Il ne faut pas le négliger, ces jeunes sont fans de certains joueurs comme moi à leur âge. Même si les joueurs actuels ne sont pas forcément ceux à qui je m’identifie le plus, il ne faut pas être fermé d’esprit. À 15 ans, j’aurai adoré avoir un tee-shirt de Sonny Anderson (rires). Mais en même temps, je veux garder mon ADN et toujours continuer à proposer des produits de joueurs iconiques. Le football est une culture hétéroclite avec toutes les générations donc un tee-shirt de Saka est tout aussi important qu’un tee-shirt d’Igor Protti (meilleur buteur de Serie A en 1996, NDLR).

"Camavinga a voulu un t-shirt personnalisé pour toute sa famille"

C’est quel joueur qu’on te demande le plus ?

J’habite désormais à Madrid donc je commence à être reconnu pour mon travail dans la ville. Et on me demande énormément de faire un tee-shirt de Bellingham, qui est devenu une icône en si peu de temps. À Madrid, il y a une « Bellingham Mania » et je serais carrément chaud pour le faire, c’est un joueur que je trouve charismatique. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le croiser par hasard dans un parc de la ville pendant que je courais (rires). Je lui ai parlé de mon envie de faire un tee-shirt sur lui et il était grave chaud.

Si on m’avait dit quand j’avais 8 ans que l’attaquant brésilien du Real Madrid porterait mes tee-shirts, je n’y aurais jamais cru.

Justement, ta notoriété s’est agrandie à Madrid et t’a permis de « collaborer » avec Rodrygo et Vinícius Junior. Raconte-nous.

Je connais le photographe d’Eduardo Camavinga qui portait des tee-shirts Retro Football Gang. Eduardo et son frère ont bien aimé et ont demandé d’en avoir. Rodrygo a vu mes tee-shirts, il a kiffé et il m’en a commandé. Puis, par l’intermédiaire de Vincent, il m’a demandé si c’était possible que je lui fasse des tee-shirts personnalisés pour toute sa famille pour la Coupe du monde 2022 au Qatar. Ensuite, Vinícius a lui aussi trouvé ça cool et a demandé la même chose pour sa famille et ses proches. Pendant le Mondial, le coiffeur de la Seleção portait les tee-shirts de Rodrygo et de Vinícius, ce qui m’a permis d’avoir encore plus d’exposition et de crédibilité.

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Comment tu l’as vécu ?

Si on m’avait dit quand j’avais 8 ans que l’attaquant brésilien du Real Madrid porterait mes tee-shirts, je n’y aurais jamais cru. C’est une immense fierté, bien évidemment. Et ça a surtout renforcé ma crédibilité et m’a ouvert de nouvelles portes. Pour le Noël juste après le Mondial, Camavinga a lui aussi voulu un tee-shirt personnalisé pour offrir à toute sa famille. C’était génial. Le Real Madrid a aussi posté une photo de Ronaldo et de Vinicius qui portait un tee-shirt RFG. C’est une belle victoire, même si ça reste digital.

"Camavinga a voulu un t-shirt personnalisé pour toute sa famille"

T’as pas voulu mettre ce post du Real en poster dans ta chambre ?

Non (rires), ma copine ne voudrait pas.

Tu as eu des demandes d’autres joueurs pour faire des produits personnalisés ?

Dernièrement, j’ai eu une demande du défenseur barcelonais Araujo, qui est dans la même agence de communication que Rodrygo. Ils m’ont commandé des tee-shirts. Avec Camavinga, on aimerait faire des choses ensemble, mais le problème est que le Real détient 40% des droits des joueurs, donc tout ce qui est deal commercial, c’est compliqué.

RFG ne se limite pas aux tee-shirts, on peut voir aussi des pulls, des maillots transformés en sacoche ou encore même des pots de fleurs réalisés avec des ballons. C’est important de se diversifier ?

Je reste convaincu que le tee-shirt est le produit le plus personnel, donc c’est plus évident de faire des fantaisies sur un tee-shirt. Alors que sur mes autres produits, je cherche à être un peu plus épuré. Je suis un passionné et j’ai toujours envie de créer de nouvelles pièces. Par exemple, je vais sortir prochainement un sweat-shirt Joga Bonito qui est réalisé comme celui sur Maradona avec un tapis. Ce sont des pièces qui sont en quelque sorte la valeur ajoutée de Retro Football Gang. Et puis aussi, en fonction des pays, la demande n’est pas la même. En Scandinavie par exemple, j’ai énormément de demandes pour des produits très kitsch. Alors qu’en France, on est plus adepte des produits épurés on va dire.

En Scandinavie par exemple, j’ai énormément de demandes pour des produits très kitsch. Alors qu’en France, on est plus adepte des produits épurés on va dire.

Est-ce qu’il y a des joueurs, des légendes qui mériteraient un tee-shirt, mais que tu ne fais pas pour des raisons finalement morales ?

Je pense à Luis Aragonés. Griezmann portait un jour un tee-shirt d’Aragonés. On m’a demandé si c’était le mien, mais non. Tout simplement car Aragonés a certaines idées avec lesquelles je suis en total désaccord. Je n’ai pas forcément envie de mettre en valeur des joueurs qui ont des valeurs que je désapprouve totalement. J’ai fait des tee-shirts sur Maradona, Bernard Tapie ou Jesús Gil et on pourrait me le reprocher. Mais on va dire que les valeurs que ces gens prônent sont plus en adéquation avec les miennes.

"Camavinga a voulu un t-shirt personnalisé pour toute sa famille"

On peut voir régulièrement tes tee-shirts sur des rappeurs comme JeanJass, Limsa d’Aulnay, Alpha Wann ou d’autres personnalités comme Mehdi Maïzi. C’est qui le plus consommateur de Retro Football Gang ?

C’est difficile à dire (rires). Mais je sais que mes produits plaisent donc c’est cool. Dernièrement, Malik Bentalha m’a pris pas mal de tee-shirts sans que je ne le contacte. Mais je ne cherche pas uniquement à être une marque de célébrités. Je veux vraiment toucher tout le monde.

Qui sont les joueurs que tu trouves « stylés » ?

Dans les joueurs actuels, c’est difficile, car beaucoup de footballeurs s’habillent bien mais par mimétisme, je pense. Mais il existe des joueurs qui aiment vraiment la culture mode, je pense à Stole Dimitrievski (gardien du Rayo Vallecano) ou encore Hector Bellerin qui apprécient vraiment s’habiller et ne le font pas pour les caméras. Mais c’est clair que les joueurs de l’époque étaient plus stylés, je pense forcément à Edgar Davids avec ses lunettes iconiques ou Eric Cantona, par rapport à sa liberté totale sur le terrain, mais en dehors. Et cette liberté se ressentait dans son style vestimentaire. Mais c’est surtout sa posture que je trouve inspirante. Beaucoup de photos de Cantona sont aujourd’hui iconiques, je pense à celle où il se balade avec son baluchon ou encore quand il jouait avec la manche longue et le col relevé. Il a su créer son aura et son propre style, c’est pour ça qu’il est appelé au théâtre ou au cinéma aujourd’hui.

Mais c’est clair que les joueurs de l’époque étaient plus stylés, je pense forcément à Edgar Davids avec ses lunettes iconiques ou Eric Cantona, par rapport à sa liberté totale sur le terrain, mais en dehors.

Et Jules Koundé ?

J’aimerais beaucoup le voir porter des produits Retro Football Gang (rires). Mais je le trouve un peu too much, s’il évoluait en National 3, jamais il ne s’habillerait comme ça. Il sait qu’on le prend en photo dans les couloirs donc il joue sur ça. Quand j’étais à Bordeaux, jamais je ne l’ai vu porter ce style de vêtement (rires).

"Camavinga a voulu un t-shirt personnalisé pour toute sa famille"
Propos recueillis par Tristan Pubert / Photo : RFG

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