Cette saison encore, les maillots des clubs engagés en Coupe de France sont bariolés aux couleurs des sponsors de la FFF, quitte à flinguer leur design. Une tradition qui remonte aux années 1970, et que personne ne remet en cause.

Adrien Hémard-Dohain

Les plus anciens se souviennent des maillots Perrier et, bien sûr, du long règne de RTL. Les plus jeunes ont grandi avec le Crédit Agricole et Betclic. Mais PMU, SFR, Caisse d’Epargne et bien sûr les Pitch des brioches Pasquier ont aussi longtemps squatté les tuniques des écuries lors des matchs de Coupe de France.

Et pour cause : depuis les années 1970, les sponsors de la Fédération Française de Football ornent les tricots lors des matchs de coupe. Tant pour les clubs amateurs que professionnels, et même si… c’est très laid. 

“Effectivement, peut-être que l’esthétique de tout ça pourrait être améliorée. Ce n’est pas fait finement, disons, mais il y a des vrais enjeux de visibilité pour ces marques”, justifie Magali Tezenas du Montcel, déléguée générale Sporsora.

Cette spécialiste du marketing sportif ajoute : “Ca peut dénaturer les maillots des clubs amateurs, et les maillots des pros qui sont épurés, très travaillés, et là flanqués d’un énorme logo pas réfléchi pour ce maillot”. Mais le poids de la tradition et de la viabilité économique de la compétition sauvent ces sponsors d’un autre temps.

Le charme de l’amateurisme

Le premier d’entre eux fut Perrier, dès le début des années 1970, avant de céder la place à RTL. Ce qui explique que de nombreux clubs aient un maillot historique vintage affublé de la célèbre radio. Entre 1975 et 2000, RTL a ainsi remporté quinze Coupe de France en tant que sponsor maillot, offrant une visibilité incomparable à la radio.

Team Marseille celebrate the victory with the trophy after the French Cup Final match between Lyon and Marseille, at Parc des Princes, Paris, France on June 12th 1976 ( Photo by Michel Piquemal / Onze / Icon Sport )

Loin de mettre fin à cette pratique, l’avènement du foot-business a en réalité accéléré le phénomène, avec de nouvelles marques dans l’arène. Si bien qu’en 2023, en dehors de la défunte Coupe de la Ligue, la Coupe de France reste la seule compétition de football qui impose des sponsors aux clubs participants.

“En football, la pratique ordinaire, c’est d’imposer les sponsors sur les panneaux led qui entourent le terrain, comme en Ligue des champions”, explique Magali Tezenas du Montcel,. Elle ajoute : “Ce n’est toutefois pas unique dans le monde du sport. Aux Jeux olympiques, on voit souvent des fédérations renoncer à leur équipementier pour porter les tenues de celui du comité olympique national. Des sponsors sont aussi imposés en cyclisme”.

Ainsi, lorsque Citroën sponsorisait l’équipe AG2R, elle aurait pu voir un de ses coureurs endosser le maillot vert Skoda sur le Tour de France.

Moussa Saib of Auxerre during the French national cup final match between Auxerre and Nimes on May 4, 1996 in Parc des Princes, France. (photo by Alain Gadoffre / Onze / Icon Sport)

Quand le PSG se retrouve en Adidas

En Coupe de France, le RC Lens soutenu par Auchan se retrouve lui avec les concurrents d’Intermarché sur le maillot. Sans parler de tous les clubs partenaires de sites de paris sportifs qui voient Betclic floqué sur leur ventre en coupe. “Quand on sponsorise un club, on sait qu’on n’est pas à l’abri de ce genre de cas de figure. C’est accepté, la plupart du temps”, tempère Magali Tezenas du Montcel.

Une mansuétude notamment due à la faible audience de la Coupe de France, estime Gary Tribou, lui aussi expert du marketing sportif : Pour Winamax, Betclic qui apparaît sur le maillot de Lens, c’est regrettable, mais pas non plus dramatique. Ce qui faisait vraiment grogner, c’est quand la FFF imposait son équipementier”.

Ce qui explique que le PSG ait joué en Adidas à plusieurs reprises dans les années 2000. “Et ça peut aussi frustrer les sponsors des petits clubs amateurs, pour qui une épopée pourrait être une heure de gloire ultime”, rappelle Gary Tribou.

PAULETA - Nantes / Paris Saint Germain - 20.04.2006 - 1/2 Finale de la Coupe de France

 Mais, à partir du 4e tour, il n’y a plus de place pour l’usine du coin et le bar tabac du pote du président dans ce monde. “C’est à partir de là que les maillots sont imposés par la FFF, mais il y a des dérogations possibles qui, dans les faits, ne sont demandées que par les clubs pros, qui doivent quand même floquer les sponsors fédéraux sur leur tunique”, explique Gary Tribou.

Pourquoi ? Parce que la survie du modèle économique de la Coupe de France en dépend, alors que les droits TV sont en chute libre depuis des années. “Concrètement, c’est ce qui payent les primes pour les clubs amateurs, même si parfois cela fait qu’ils ne jouent pas avec leurs couleurs”, résume Tribou.

Les joueurs qui s’appellent tous Pitch

Toujours est-il que cette pratique, quoi qu’on en pense, n’est pas appelée à disparaître. Ca donne une bonne conscience au système foot, qui sort un peu de sa logique de rentabilité pour cet esprit Coupe de France, maillots trop larges”, estime Gary Tribou, “Ca a un côté amateur sympa, qui laisse entendre que le foot n’est pas seulement un football business”.

Les vannes sur les joueurs qui s’appellent tous Pitch ou Intermarché ne sont donc, malheureusement, pas près de disparaître.

Pourquoi les maillots de Coupe de France sont-ils si moches ?
Adrien Hémard-Dohain

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