On ne va pas se mentir : les Algériens sont ultra chauvins dès qu’il s’agit de leur équipe nationale de football. Une passion volcanique poussée parfois jusqu’à la caricature et qui classe ses supporters parmi les plus chauds au monde. Retour sur un particularisme étonnant lié à l’histoire et à la culture d’une nation dingue de ballon…  

Chérif Ghemmour

Outre Kassaman, le vibrant hymne national, le supportérisme algérien se résume à trois composantes incontournables. À son drapeau agité un peu partout dans le monde, à son slogan « One-Two-Three ! Viva l’Algérie ! » klaxonné jusqu’à la saturation à chaque compétition internationale et à son animal fétiche rattaché à ses joueurs, les Fennecs, qui gagne progressivement en popularité.

One-Two-Tricolore !

« Mais pourquoi voit-on le drapeau de l’Algérie dans tous les stades de football ? » Cette question est devenue virale le 7 juillet 2021 au soir de la demi-finale Espagne-Italie de l’Euro 2020. Le drapeau vert-blanc-rouge déployé au Vélodrome, Camp Nou, Bernabeu, San Siro, Allianz Arena, quand un joueur algérien ou d’origine algérienne y jouent, d’accord. Mais là, dans une tribune de Wembley : quel rapport ? Aucun. C’est simplement une manifestation particulière et récurrente visible dans tous les stades du monde et qui, à la façon d’un running gag («Où est Charlie ? »), incite les téléspectateurs à rechercher (et à trouver) ce drapeau réellement omniprésent ! Cet emblème patriotique exprime d’abord la fierté d’une nation jeune qui a acquis son indépendance au prix de huit dures années de guerre coloniale (1954-1962). C’est donc à la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés que les générations suivantes perpétuent cette élévation de l’étoffe tricolore.

Au pays, le drapeau est partout. Il est sacré. À tel point que le Code pénal punit d’une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement ceux qui le « déchirent, le mutilent ou le profanent.» Dura lex ! Reste que… Si l’Algérien est super fier de son pays (le plus grand d’Afrique), il est aussi un bon vivant et pratique un patriotisme moins hautain que l’Egyptien. Il aime rire et chambrer et il y a donc aussi une dimension ludique à exhiber ses couleurs. Le voir flotter un peu partout dans le monde s’explique aussi par une nombreuse diaspora estimée à plus de trois millions de personnes. Essentiellement en Europe (France, Espagne, Royaume-Uni, Italie), mais aussi en Amérique du Nord (USA, Canada, Mexique, Brésil) ou dans les pays du Golfe…

BRAHIMI Yacine of Algeria during the Copa Arabe FIFA 2025 match between Algeria and Iraq at Khalifa Stadium on December 9, 2025 in Doha, Qatar. (Photo by Icon Sport)   - Photo by Icon Sport

D’autres références impayables escortent le supportérisme algérien : les deux célèbres lettres DZ, comme la Team du même nom. DZ est le nom de domaine à l’international (comme NL pour les Pays-Bas) qui fait référence à la prononciation du mot Algérie en arabe et en berbère et qui se dit : « DZayer » ou « DjaZayer ». D’où le cri de ralliement « Tahya El Djazayer ! » qui signifie « Que vive l’Algérie ! », comme le bon vieux Viva España ! Mais le plus célèbre slogan du chauvinisme supportériste bon enfant demeure bien sûr l’indémodable «One-Two-Three ! Viva l’Algérie ! »… Huit syllabes qui claquent en rimant. Curieux slogan, pourtant, car il mélange des mots étrangers à la langue arabe : anglais (One-Two-Three), italo-espagnol (Viva) et français (l’Algérie). Tout tient en fait à la prononciation à l’algérienne : il faut rouler les R et glisser un D ! Ce qui nous donne, « Wane-Tou-Trrri ! Viva l’Aldgérrrie ! » L’origine de ce slogan entêtant remonterait à la finale du tournoi de football des Jeux Méditerranéens de 1975, Algérie – France Amateur (3-2 a.p), parfaitement audible sur cette vidéo (à 1 minute 43 secondes) :

Petit fennec deviendra grand !

Or, dans Le Monde du 30 juin 2014, l’écrivain algérien Salah Guemriche avait rétabli la vérité chronologique de ce slogan : « La légende dira que le fameux slogan ‘One, two, three ! Viva l’Algérie !’ fut lancé lors de ce France-Algérie de 1975 pour faire la nique au ‘Un, deux, trois, Vive le roi !’ des Marocains. En fait, ce slogan date du match amical qui opposa les Fennecs aux Anglais de Sheffield United, en 1974, et dont le score fut en faveur de l’Algérie, 3 à 1.» Mais le plus insolite, c’est que pour la CAN 2019 remportée à la fin par l’Algérie de Mahrez, Adidas avait inséré en bas à gauche du maillot un petit écusson national rond entouré du « 1, 2, 3 – Viva l’Algérie » ! Au haut du dos de la tunique, sous le col, l’équipementier avait aussi imprimé une petite tête de fennec. Ah, le fennec ! C’est là-aussi toute une histoire… Également connu sous le nom de « renard du désert », le petit canidé d’Afrique du Nord aux grandes oreilles est l’emblème animalier bien connu de l’équipe d’Algérie. On raconte qu’ayant servi de mascotte officielle aux Jeux Méditerranéens de 1975, encore, il fut ainsi adopté comme fétiche du foot national dans les années 80.

Algérie : Fennecs, drapeaux et One-two-three ! 

Sauf que… Pendant longtemps, le terme « fennec » n’a jamais vraiment été utilisé officiellement en Algérie où l’on a toujours plutôt parlé de l’EN pour l’Equipe Nationale (terme encore utilisé) et d’El Khadra (« la Verte », ou « les Verts »), voire aussi des Guerriers du désert. Il faut attendre la CAN 2004 pour lire dans la presse, surtout française, « les Fennecs ». Le petit renard du désert n’apparaîtra d’ailleurs sur le maillot algérien siglé Puma qu’au Mondial 2010, imprimé sur l’épaule droite des joueurs et c’est tout au long des années 2010 que le surnom « fennec » va s’imposer dans le langage courant et dans la presse. Mais plus en France qu’en Algérie où, aujourd’hui encore, ce terme est moins utilisé que l’EN et El Khadra. C’est en effet sous le double effet français de médias comme La Gazette du Fennec ou de joueurs binationaux partis jouer pour l’Algérie (« je suis fier de rejoindre les Fennecs ») que le surnom s’est généralisé.

Algérie : Fennecs, drapeaux et One-two-three ! 

Même les campagnes marketing pourtant si promptes à magnifier les animaux symboliques des sélections africaines n’ont pas énormément capitalisé sur le fennec en Algérie. S’il figurait bien sur la tunique des CAN 2019 (en haut du dos) et 2021 (sur le col intérieur-dos), il a disparu de celles d’après. Reste que… En Algérie, animal représentatif du caractère du peuple algérien, le fennec est une mascotte assez courante, accompagnant aussi bien l’équipe nationale (T-shirts, produits dérivés) que figurant dans les publicités diverses, notamment à l’attention des enfants. Les médias nationaux s’y mettent aussi, sans doute influencés par les Algériens de France qui, à l’instar du Fennec d’Or récompensant les meilleurs joueurs algériens de l’année, ancrent un peu plus cette appellation des deux côtés de la Méditerranée. Pour cette CAN au Maroc, le supporter algérien, lui, n’attend qu’une chose : que les Fennecs, double vainqueurs de la CAN, croquent tout le monde jusqu’à la victoire finale. One, two, three étoiles sur le maillot !

Algeria team lineup for the national anthem with Riyad Mahrez before the 2021 Africa Cup of Nations Qualifier between Algeria and Botswana at Mustapha Tchaker Stadium in Blida, Algeria on 29 March 2021 © Djaffar Ladjal/Sports Inc   Photo by Icon Sport   - Photo by Icon Sport
Chérif Ghemmour

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