Interview
Cet artiste crée des maillots de foot à l’effigie des Pokémon
Comment et pourquoi as-tu commencé à faire des maillots de foot Pokémon ?
Déjà, je sors de 7 ans en tant que directeur artistique chez Tealer, où j’ai rencontré pas mal de rappeurs, comme Bigflo et Oli, à leurs débuts. Quand je me suis arrêté, j’ai commencé à faire des cartes Pokémon, j’en ai envoyée une à Lorenzo par exemple, une à Michou… Et un jour, j’avais un maillot Nike de ma garde-robe auquel je voulais donner une seconde vie. J’ai fait faire un patch au Canada, l’usine faisait des patchs magnifiques. Puis j’ai cousu le patch Mew sur le cœur et j’ai floqué “Mew 151” dans le dos comme si c’était un joueur de foot. Je l’ai partagé sur Instagram, et le lendemain matin j’ai reçu plein de messages de gens qui en voulaient un aussi, qui me disaient “mais comment as-tu fait ?”.
C’est tout simplement un mélange de tes passions.
J’étais en même temps fan de Pokémon, de la sape et du foot. Je suis né en 90, j’ai grandi avec Pokémon, j’ai gardé toutes mes cartes, et les jeux vidéos que j’ai poncés. J’ai toujours kiffé le foot, même si à la base je faisais du handball. Puis, j’ai fait du foot à 7 à Vitry-sur-Seine, dans le 94, et là depuis deux ans je joue à 11, ce qui est carrément plus dur (rires). L’équipe une est en D2, l’autre en D4. Dans les bons moments, je joue 10, mais dans les mauvais je joue plutôt 6, milieu défensif.
Quel est ton processus créatif ?
Je pars du maillot, c’est lui qui va m’inspirer le Pokémon. J’aime bien prendre des maillots colorés, parce qu’il n’y a pas tant de Pokémon qui ont une couleur assez simple. Il y a peu de Pokemon blanc ou noir, à part Noctali peut-être. Sur du rouge, je vois Dracaufeu, Léviator Shiny… Pour du jaune, je vais chercher des Pokémon électriques… Ensuite, je dessine le patch, puis le marquage. Chaque visuel est unique, j’essaie au maximum de ne pas les reproduire, donc ça fait énormément de taf.
Quels maillots préfères-tu travailler ?
Les maillots Nike parce que je les trouve bien coupés, et ils tiennent vraiment bien dans le temps. J’achète surtout des maillots rétros, pas trop de maillots récents. J’aime beaucoup ceux team sport, les vieux maillots Nike où il y a juste un logo sur le cœur, et le reste est vierge, ce qui est hyper dur à trouver. Ils sont de meilleure qualité que les nouveaux, comme les drifts de Nike. Sinon, j’aime beaucoup les maillots japonais ou de clubs thaïlandais, ils ont un côté déjanté, t’as des logos de partout, ça m’inspire beaucoup.
Il y a des maillots qui te font rêver ?
Arsenal avec le logo Dreamcast. J’en ai chopé un en jaune récemment. Incroyable, comme les maillots Nintendo de la Fiorentina. Ça m’a énormément inspiré, et puis ça manque d’avoir des sponsors qui font rêver. Des fois, j’aimerais m’acheter un maillot, mais je n’ai pas envie d’avoir un énorme Spotify, ou Fly Emirates… Sinon c’est l’équipe de France à 98 : j’avais fait une custom avec un Leviator dessus. Je l’ai chopé dans une brocante à un vieux papy qui ne savait pas trop ce qu’il avait. Je l’ai eu à 15 euros, un vrai maillot, une affaire de fou. Là, j’ai acheté celui du Brésil 1998, la matière est dingue, t’as des finitions comme le rib sur les manches, c’est magnifique. Il y a aussi les maillots japonais avec des flammes. Je me souviens de Nakata avec ce maillot-là, le bleu avec les flammes sur les côtés. Celui-là, si je le trouve, je l’achète direct. Il y avait aussi le maillot du gardien qui était hyper fun, il y en avait partout sur le maillot… Maintenant, tu as des petits détails sympas, mais ce ne sont pas les maillots principaux, alors que l’équipe du Japon, elle débarque comme ça au Mondial 98, avec un maillot full flammes… Aujourd’hui, tu as moins de folie, puis les sponsors prennent trop de places, j’ai pas forcément envie de sortir en soirée avec un énorme Fly Emirates, alors que le maillot Opel du PSG… Bon, c’est peut-être de la nostalgie.
Tu passes ton temps à chiner des pépites ?
Quand j’étais à Paris, je faisais beaucoup de fripes, là je fais surtout du Vinted. Je me suis fait carotte pas mal de fois au début. Le truc, c’est que j’ai besoin de maillots de bonne qualité. Du coup, je deviens expert en vintage. Je demande des photos aux gens pour avoir le meilleur maillot, sans trou ni peluche, sans accroc.
Les Pokémon te font penser à des équipes, ou l’inverse ?
La Team Rocket, par exemple, ils ont un logo rouge. Je me dis « le bleu et le rouge, ça marche super bien, ça renvoie à la France ». Après je ne m’interdis rien, je ne respecte pas forcément un code couleur. Là j’ai bossé un maillot déjà floqué d’un numéro 6, j’ai refloqué par-dessus pour lui donner une seconde vie, ça fait un print hyper cool, j’ai ajouté un côté japonais avec le nom du pokémon en japonais… Des fois, mes maillots, j’ai du mal à les vendre, je me dis, “non, ne le vends pas, il est trop beau”.
Dans ton drop précédent, il y avait un Dracaufeu sur un maillot Hechter du PSG…
Je suis pour Paris, et pour moi, ce maillot-là, c’est le maillot ultime. Donc logiquement, qui dit maillot ultime, Pokémon ultime : Dracaufeu.
T’as des joueurs qui t’évoquent des Pokémon, ou inversement ?
Là, j’ai fait Voltali sur un maillot du Brésil, ce n’est pas anodin. C’est un Pokémon électrique, fougueux, il a littéralement la foudre en lui, donc déjà, ça va bien avec le maillot. Puis Voltali, ça pourrait très bien être un Brésilien, du coup je l’ai surnommé Voltalinho. Les Pokémon électriques, ce sont des Brésiliens, ils vont vite, ils sont fougueux, dribbleurs ! J’ai refait un maillot de Paris, je me suis dit qu’un Rattatac, ce serait lourd. Puis Paris, c’est quand même la ville avec beaucoup de rats, donc je me suis fait kiffer et j’ai fait un vrai maillot Rattatac. Je n’ai pas envie de donner que de la valeur aux Pokémon les plus connus. Chaque Pokémon a son petit truc.
Quel est ton Pokémon préféré ?
C’est clair, c’est soit Mew, soit Mewtwo. Mew, parce qu’à l’époque, c’était une galère de le choper dans Pokémon Rouge. Il y avait un bug pour essayer de le choper, je crois. Mewtwo, tu le rencontrais à la fin dans une grotte. Et puis dans le film de 2001, Mew contre Mewtwo, c’est quand même la baston principale. Quand tu lis les mangas Pokémon, il y a de vraies valeurs. Mewtwo, il est quand même malmené par les humains, il les déteste, et c’est une version génétiquement modifiée de Mew. Le héros, Sacha, Red dans le manga, son but, c’est quand même le bien-être de tous les Pokémon et le bien-être de la Terre.
Sur ton maillot Noctali, tu reprends le template de Nike Total 90, qui revient en force dernièrement…
Carrément. Quand les maillots Total 90 sont sortis, tout le monde en avait un à l’école, ou alors on avait les chaussures. J’adorais les ballons 90 jaunes. C’était aussi un Brésil qu’on fantasmait. Certains n’étaient même pas pour la France, parce que le Brésil brillait tellement, puis tu avais les pubs Joga Bonito…C’est à cette époque que le foot m’a mis des étoiles dans les yeux. Mon prochain maillot Voltalinho s’inspire de ça à fond. Sinon, je faisais une fixette sur Figo, peut-être à cause du maillot du Portugal. Puis ce que j’aime, c’est travailler des maillots recyclés. Quand tu l’as en main, déjà, tu as un poids, tu sens que c’est un vrai maillot. Plein de gens peuvent faire des maillots sur Alibaba mais la qualité n’est pas là. Le mien, je le vends peut-être 90 ou 100 euros, mais au moins, je suis sûr que le client sera satisfait. J’ai enfin trouvé la bonne usine mais je n’arrêterai jamais de faire des maillots customisés. Des fois, je les vois sur vinted qui se revendent plus cher que ce que je les ai vendus !
Ça ne te dérange pas trop de voir ça ?
Au contraire, c’est génial que mes produits ne perdent pas de valeur, puis ça se revend comme une carte Pokémon, finalement. Si mes maillots ont la même vie qu’une carte Pokémon, c’est génial, le parallèle est super marrant.
Tu asune meilleure collection de maillots ou de cartes Pokémon ?
Mes maillots, je ne les garde jamais longtemps, je les revends, ou je réimprime des trucs dessus, j’en garde peu. Je teste des trucs dessus, je rate… Alors que mes cartes Pokémon, je les ai gardées ! Donc, j’ai largement une meilleure collection de cartes Pokémon que de maillots.
Sinon, en dehors des maillots, tu crées plein d’objets en tout genre…
Ce qui est marrant, c’est qu’aujourd’hui, dans notre génération, on est vachement moins dans le matériel. Tout se dématérialise, les jeux vidéo s’achètent en ligne, les films se regardent sur des plateformes, et même les cartes Pokémon, avec le jeu TCG Pocket… Je me dis que les objets sont en train de disparaître. Les cartes, j’adore ça, mon père collectionnait les cartes Magic, j’ai joué aux cartes Yu-Gi-Oh. J’aime l’idée que ce que je fasse reste dans le réel, dans le matériel. J’achète même encore des DVD! Puis les gens adorent avoir des trucs à collectionner. Peut-être pas les DVD, mais les consoles rétro, c’est dans l’air du temps. Puis être le seul à avoir son maillot Dracaufeu, c’est différent qu’un maillot du Barça produit des centaines de milliers de fois.
